vendredi 15 avril 2022

Près de la croix de Jésus, se tenaient… (Jn 19,25)

Εἱστήκεισαν δὲ παρὰ τῷ σταυρῷ τοῦ Ἰησοῦ
Eistêkeisan de para tô staurô tou Iêsou 

Chers amis,
Drôle de vendredi saint que celui-ci ! Pour les chrétiens occidentaux, c’est le vendredi saint ; pour les musulmans, c’est un vendredi de Ramadan ; et pour les juifs, c’est la veille de Pessah (la Pâque juive).
Ce matin, comme à l’accoutumée, j’ai entendu le “coup de canon” du Ramadan, vers 4h50. Rien qui puisse me réveiller… Je me retourne dans mon lit et c’est reparti pour une heure. Sauf que…
Sauf que, les détonations ont continué… On entendait le muezzin et divers boums, bang, plus ou moins sourds ou secs. Au bout d’un moment, je me suis levé et suis monté sur la terrasse des Frères. Comme c’est le bâtiment le plus haut de toute la Vieille Ville, on voit un peu de l’esplanade des Mosquées. Là, j’ai vu quelques éclairs, des étincelles, un nuage de fumée et des gens qui couraient vers le Nord…
Ça a toutefois eu l’air de se calmer. Malgré tout, il y a eu des dizaines de blessés et des échauffourées dans la mosquée Al-Aqsa. Tout ça ne va pas calmer les esprits…
Je suis tout de même allé assister à l’office du Vendredi saint au Saint-Sépulcre. De toutes les célébrations de la semaine sainte, c’est la plus stressante : elle se déroule dans la chapelle haute partagée par les Grecs (au nord) et les Latins (au sud) au niveau du Golgotha (moins de 100 m²). Une fois qu’on y a mis le Patriarches, les chanoines du Saint-Sépulcre, les évêques, les séminaristes, les franciscains, le chœur de la Custodie… Il ne reste pas beaucoup de place.
Comme la basilique est fermée avant la célébration, les gens qui veulent y participer se massent devant en espérant pouvoir avoir une place là-haut. Des barrières empêchent les gens de s’approcher, mais certains jouent des coudes pour passer : la soutane aide grandement.
Finalement la procession du patriarche arrive, drainant dans son sillage quelques fidèles avisés qui pourront ainsi se glisser avant tout le monde. Le gardien ouvre les portes. Et la procession peut rentrer. Tout le monde s’engouffre dans la basilique, mais l’accès à la chapelle haute est bloqué pour que les “officiels” puissent y accéder. Entre temps, le patriarche et les chanoines vont s’habiller dans la chapelle des Latins. Pour ma part, me retrouver quiché pour ne rien voir (et dans les circonstances sanitaires actuelles, un coup à se retrouve dans un foyer épidémique), ça ne m’emballait pas trop. Comme il y a six ans, j’ai participé à la célébration d’en bas. Dans le déambulatoire, j’ai trouvé un coin de pierre où je peux poser une demi-fesse, en face du rocher du Golgotha visible à cet endroit derrière une vitrine.
Le Patriarche est arrivé, précédé et suivi de la procession des officiels. Ensuite, ce fut un peu la curée pour accéder à la chapelle. En voyant les kawas filtrer les passages, je me suis dit qu’il y avait un étrange retournement de situation. Le jour de la crucifixion de Jésus, l’assistance était plutôt féminine ; aujourd’hui, elle est presqu’exclusivement masculine. Évidemment, avant, il fallait risquer sa vie pour y être ; maintenant, c’est un honneur !
J’avais emporté mon Missel des dimanches pour pouvoir suivre la célébration mais en fait, nous étions assez nombreux “en bas” et les franciscains ont largement distribué des livrets multilingues.
Sauf que j’ai raté le début de la célébration… Les kawas en étaient encore à faire monter au compte-gouttes les gens qu’on a entendu : « Verbum Domini ! Deo gratias ! » Ça alors, la première lecture se terminait ! Le Patriarche ne célèbre pas, il galope…
Nous avons suivi d’en bas la proclamation de la Passion. Le lecteur et les “autres personnages” s’entendaient bien mais celui qui tenait le rôle de Jésus (registre assez bas) n’avait aucune puissance. Mais en suivant sur le livret, on y arrivait, surtout grâce au chœur de la Custodie qui chante en polyphonie les parties de la foule.
Le recueillement était impressionnant alors que nous n’y voyions rien. En suivant sur le livret en latin, je remarque qu’au moment de la mort de Jésus, le diacre dit : Et inclinato cápite
𝐇𝐢𝐜 trádidit spíritum, c’est-à-dire “Puis, inclinant la tête, il remit 𝐈𝐜𝐢 l’esprit”. (Jn 19,30)
La grande prière universelle est aussi un peu plus longue qu’ailleurs : une intention se glisse après la 5ème (Pro unitate Christianorum) et s’intitule Pro Peregrinorum : « Prions aussi pour les pèlerins qui, mus par leur foi, fréquentent ces lieux saints, lieux de notre rédemption : afin qu’en célébrant ici le mystère pascal du Christ, ils Le rencontrent, Lui le Dieu vivant et vrai, et qu’ils soient conduits, par Lui sur le chemin de la vie nouvelle. » À quoi l’oraison répond : « Dieu éternel et tout-puissant, soutiens tes fidèles pèlerins dans ces lieux saints ; remplis-les de la force et de la lumière du Saint-Esprit, afin qu’en retournant chez eux, plus forts dans la foi et renouvelés par les saints mystères, ils manifestent à tous la vie chrétienne. Par Jésus… »
En bas, il n’est pas envisageable de vénérer la croix… On fera ça après la célébration. Mais la communion sera distribuée. À la sortie, je retrouve Henri (qui était en haut) et Cyriaque (en bas lui aussi). Nous machinons un rendez-vous pour le lundi de Pâques.
À cause de la concurrence “Pâques-Ramadan”, le chemin de croix est avancé à ce matin. L’après-midi, il aurait été inenvisageable que le flot des chrétiens croise celui des musulmans.
Je suis rentré au Collège.
Repas léger avec les Frères.
Après-midi reposante. Puis je suis allé faire mon chemin de croix calme, dans un coin peu fréquenté. Je suis aussi passé par la cathédrale arménienne où j’ai pris un air de Vêpres et ai fini par faire oraison au Cénacle. Pas un chat ! Pourtant, c’était là où se tenaient les disciples le vendredi saint.
En descendant du Cénacle, je fais un tour par le 
“Tombeau de David”, et passe devant une salle où le seder, le repas pascal juif, est prêt : assiette, carafe de vin, chandelles... Ne manque plus que les convives...
Je reviens en faisant un bon petit tour : Dormition (fermée pour travaux) ; murailles, Parc Teddy Kolek, Yemin Moshe, Tombe de la famille d’Hérode, Consulat de France, Mamilla.
Alors que je rédige ce post, j’écoute la Passio d’Arvo Pärt mais je suis dérangé par des tambours ! Encore ! Je regarde par la fenêtre et vois passer la procession funèbre de la paroisse latine. Les scouts portent une figure du Christ dans un drap blanc, d’autres suivent avec les herbes et les aromates. Puis, les ministres, le chœur et les paroissiens.


Ce soir, il y a la procession de la mise au Tombeau avec les Franciscains. Mais trop de monde...
Que Dieu vous bénisse en ce vendredi saint.
Étienne+

Aucun commentaire: