dimanche 28 avril 2019

Qu’Il te prenne en grâce ! (Nb 6,25)

וִיחֻנֶּךָּ
wîḥunnekkā

Chers amis,

Jeudi et vendredi, journées normales à la Bibliothèque… Ça avance.
Jeudi soir, il y avait une conférence à l’EBAF qui avait l’air intéressante, mais, j’étais un peu en surchauffe… Je me suis donc octroyé une fin d’après-midi calme.
Il faut dire qu’après l’hiver humide et froid que nous avons connu, les Pâques pluvieuses de la semaine dernière, le thermomètre est brusquement monté sur les normales saisonnières… J’ai enlevé une couverture à mon lit.
Vendredi soir, j’étais invité à dîner chez Sophie et Loïc que j’ai rencontrés en janvier à Abu Gosh, c’est un jeune couple (2 ans de mariage l’été prochain) qui travaille ici pour l’IECD, une ONG d’aide au développement qui intervient dans les Territoires palestiniens. Il y a trois ans, j’avais fait la connaissance de leur agent à Jérusalem qui est maintenant à la tête de l’association.
Il y avait avec moi un jeune prêtre de l’Emmanuel, étudiant à l’Institut Biblique pontifical et le frère David, un franciscain québécois. Repas et ambiance sympathiques. Nous ne sommes pas rentrés trop tard car ceux qui résident en Vieille Ville étaient tenus par l’horaire sous peine de passer la nuit sous un pont de Jérusalem (il n’y en a pas des masses) ou sur un banc de parc. En effet, ce samedi, avait lieu la cérémonie du feu sacré des orthodoxes. En plus, c’était aussi shabbat (comme tous les samedis) et huitième jour de Pessah, pour les juifs. La Vieille Ville était donc en état de siège : toutes les portes sont bloquées au cours de la nuit par la police et l’armée afin de filtrer les accès aux lieux saints et éviter tout débordement. Et, avez-vous déjà essayé de discuter/négocier/parlementer/ avec un policier israélien ? Pas la peine… Et un col romain ou un froc de franciscain ne produisent chez eux aucun effet.
Nous sommes rentrés à temps mais pendant la nuit, la police a fait un raffut du tonnerre pour installer ses barrières (elles sont fixées au sol).
Samedi matin, rendez-vous à 7 h 30 pour aller me balader avec Laurence, Laurent-Pierre et leurs enfants. But de l’opération : parcourir le Wadi Qelt ! Nous laissons la voiture à l’entrée de la colonie d’Anatoth et nous commençons notre excursion. Nous arrivons vite en vue du site grandiose du wadi : quelle splendeur ! Comme nous sommes tôt, nous avons la chance d’apercevoir trois gazelles et une tortue !
Nous continuons notre chemin et arrivons au-dessus du monastère de saint Chariton à Ain Prat. La nature est magnifique : coquelicots, anémones et roses trémières Et là… la malédiction du wadi Qelt a encore frappé ! Laurence a glissé sur des herbes et s’est méchamment tordu la cheville. Nous sommes donc descendus à petits pas, les gardes du parc national d’Ain Prat nous ont donné un bon coup de main. Du coup, notre randonnée qui devait faire une bonne vingtaine de kilomètres s’est transformée en promenade de deux petits kilomètres…
Nous sommes donc retournés à Jérusalem et avons pique-niqué sur la terrasse. Ensuite, mes amis m’ont déposé à la Porte Neuve avant d’aller à l’hôpital. Il n’était que 13 h 30.
Une grosse foule attendait devant la Porte Neuve. Impossible de convaincre le policier que je dérangerais moins s’il me laissait rentrer chez moi à 50 mètres de l’autre côté de sa barrière. J’ai essayé de téléphoner au frère Rafael mais il n’a pas répondu.
Je suis donc allé me balader (c’était après tout l’activité prévue ce jour !) et ai trouvé refuge sur un banc à l’ombre dans un jardin public près de la tombe de Jason.
Un peu de lecture, un peu de sieste… et je suis rentré. Là il m’a encore fallu attendre quelques minutes pour pouvoir rentrer dans la Vieille Ville. Le pauvre frère José était allé à la bibliothèque et s’est retrouvé bloqué dehors… Il a poireauté quatre heures… Le frère Daoud, lui, de retour de Jordanie avait réussi à convaincre les flics israéliens de le laisser passer (il parle un peu hébreu, lui ! Et les policiers israéliens ne parlent pas nécessairement un anglais trop développé ou en tout cas, ne font aucun effort pour comprendre.)
Soirée calme et coucher tôt.
Dimanche matin, je suis allé à la messe à la paroisse à 9 h 30 et avec les Frères nous sommes allés manger à Notre-Dame. Dans l’après-midi, je suis allé porter la communion à Laurence, immobilisée par sa chute de la veille. Les radios de la veille ont décelé une fracture et il faudra opérer.
J’ai aussi reçu la nouvelle du décès du père de Marie-Claire, qui m’a visité le mois dernier. Une intention à porter. Après ma visite, je suis allé faire un petit tour, en fin d’après-midi, la température est supportable et le vent était de la partie. Je suis passé à un endroit que j’avais repéré lors d’une promenade
précédente. Il s’agit des tombes de Ketef Hinom : une série de sept tombes datant du VIIe siècle av. J.-C., découvertes dans les années 70 sous le chevet de l’église écossaise. Chaque tombe consiste en une caverne creusée en ménageant des banquettes sur lesquelles on déposait les cadavres ; au bout d’un an environ, on rassemblait les ossements dans un espace creusé sous la banquette avec les ossements des membres de la famille précédemment décédés. C’est le sens propre de l’expression biblique : « Et David se coucha avec ses pères et on l’ensevelit dans la Cité de David. » (1R 2,10). Sur les banquettes, on a parfois laissé un petit bourrelet arrondi qui permet de déposer la tête du défunt. Dans l’un des ossuaires familiaux, on a retrouvé beaucoup d’objets intéressants dont deux petits rouleaux d’argent, servant vraisemblablement d’amulettes, sur lesquels était inscrite une prière de bénédiction que les juifs utilisent encore : « la bénédiction sacerdotale ».
“Que le Seigneur te bénisse et te garde !
Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu’il te prenne en grâce !
Que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix !”
(Nb 6,24-26)
C’est le plus ancien témoin d’un texte biblique, il date d’environ 600 ans av. J.-C !
De retour à la maison, oraison et vêpres.
À bientôt,
Étienne+

mercredi 24 avril 2019

À Jérusalem pendant la fête (Tob 1,6)

εἰς Ιεροσόλυμα ἐν ταῖς ἑορταῖς
eis Ierosoluma en tais heortais

Chers amis,

L’après-midi du samedi saint, rien de particulier. J’ai écrit un peu sur mon blog. J’avais rendez-vous avec Laurence et Laurent-Pierre pour aller à Abu Gosh pour la vigile pascale. Elle était à 22 h mais pour diverses raisons nous y sommes arrivés à 20 h, ce fut l’occasion de prier longuement et calmement avant la célébration. La vigile était présidée par le frère Louis-Marie qui est venu de l’abbaye du Bec Hellouin. En ce moment, le P. abbé Charles est très malade, je m’en étais aperçu lors de mes passages cet hiver… Il est sur le point d’être hospitalisé en soins palliatifs. Cela a donné aux célébrations de Pâques à Abu Gosh une tonalité de gravité joyeuse très particulière.
La célébration du feu a eu lieu devant le magasin de l’abbaye. Le frère Olivier avait revêtu pour le chant de l’Exsultet une splendide dalmatique bleue offerte par un prêtre russe orthodoxe. Ensuite il a pris la blanche assortie à la chasuble du président. La liturgie de la parole s’est faite à la bougie, dans la demi pénombre de l’église, entourés que nous étions des saintes silhouettes dessinées par les fresques. Rarement, j’ai été aussi touché par les textes. Puis nous sommes descendus dans la crypte, auprès de la source qui y coule, rappel de l’eau vive jaillie du cœur du Christ. L’eau a été bénie en y plongeant la base du cierge pascal. À Notre-Dame de Vie, nous ne le faisons jamais et je le regrette, c’est un signe tellement fort. Au Saint-Sépulcre, ce matin-là, l’évêque a fait pareil, même si aucun baptême n’a été célébré.
Puis l’eucharistie a conclu la célébration dans une allégresse contenue. Après la Veillée, j’en parlais avec un membre de la Communauté de l’Emmanuel, nous trouvions que les Alleluia grégoriens manquaient de la vigueur à laquelle nous sommes habitués. Mais la joie est bien là ! Ce petit verre de l’amitié m’a permis de découvrir le monastère du côté des sœurs. Ce soir-là, nous avons franchi la clôture ! Puis Denis m’a raccompagné à la maison. Du coup, je suis rentré à une heure bien avancée : 2 h 30 !
Dimanche matin, réveil à l’heure habituelle (je n’arrive pas à faire autrement !) et Augustin, Anne-Claire et leur tribu de lutins viennent me récupérer à la Porte de Damas pour retourner à Abu Gosh. Ils ont été très heureux de leur Veillée pascale à Sainte-Anne avec la joie toute africaine des Pères blancs.
Belle messe de Pâques présidée par le frère Jean-Michel. Dans son homélie, il a parlé de notre foi qui doit toujours pour être une vraie foi faire l’expérience d’une forme d’échec pour passer de la croyance à la foi. Puis nous nous sommes retrouvés pour un apéritif dans la grande salle sous le magasin. Le temps était à la pluie. Toute l’après-midi, j’ai échangé des messages avec quelques amis d’il y a trois ans qui sont allés passer Pâques dans une ambiance abugoshesque, à l’abbaye du Bec Hellouin. Là bas, au cœur de la Normandie, il faisait 26°, un grand soleil et un air doux. Nous, vent, pluie, froid et humidité… Le monde à l’envers !
Apéritif, buffet et desserts propices aux échanges et aux discussions avec les habitués et les occasionnels. Beaucoup de joie ! Après cela, est arrivé le moment attendu par les enfants et les gourmands : la chasse aux œufs. Tous les inscrits devaient rechercher l’œuf marqué à son nom dans le jardin. Tous ont reçu en récompense quelques œufs en chocolat.
Ensuite, je suis reparti avec les lutins. Nous voulions essayer d’aller au Cénacle. Cependant, nous avons dû changer nos plans : l’accès en voiture au Mont Sion était impossible. Il faut dire que la fête de Pessah (la Pâque juive) chamboule tout : beaucoup de feux tricolores sont mis en orange clignotant et plusieurs axes sont fermés à la circulation. Dans ce coin où l’individualisme est presque la valeur cardinale, je vous laisse imaginer les conséquences sur la circulation… Nous avons renoncé et sommes allés sur le Mont des Oliviers voir la mosquée de l’Ascension. Puis je les ai laissés aller au Saint-Sépulcre : ils ont pu entrer dans la tombe cinq minutes avant la fermeture ! Tous les sept dans la tombe à chantonner un alléluia !
Lundi de Pâques, j’aurais pu aller dans l’un des Emmaüs… mais j’avais besoin de calme et de silence… Je suis donc allé marcher dans les collines. Tout d’abord, je me suis rendu en bus au site de Castel. Comme son nom l’indique, les croisés y avaient édifié un château dont il ne reste absolument rien. Le site, juché au sommet d’une colline, est le verrou de la route qui conduit de la plaine à Jérusalem. Pendant la première guerre israélo-arabe, le village ottoman de Castel fut le théâtre de nombreux combats. Pour les (futurs) Israéliens, il s’agissait d’assurer le ravitaillement en vivres, carburant et munitions de Jérusalem. On comprend donc leur ardeur à conquérir le site. La visite est intéressante, même si on peut rester insensible au message de fierté nationale que l’aménagement suggère. Camaraderie, engagement, confiance, leadership et détermination sont soulignés dans le petit film introductif, avec une mise en scène très “ricaine”. Surtout que la victoire finale n’est pas si glorieuse : les Israéliens avaient tué al-Husseini, le chef des Arabes défendant le site. Comme ils sont allé célébrer ses obsèques à Jérusalem, la défense était un peu en sous-effectif.
Au sommet, les vestiges du café d’Abu Georges (ce qui me laisse penser que le village était peut-être chrétien). La vue est impressionnante.
J’ai continué en prenant le chemin du Mont Harat déjà emprunté 47 jours plus tôt dans l’autre sens. Au rond-point d’Har Eitan, j’ai pris la direction d’Ein Tsuba puis du Tel Tsuba, où l’on peut voir les ruines du château croisé de Belmont. Le site est clôturé, ce qui empêche d’y accéder. Je suis descendu dans la combe en contrebas du kibboutz de Tsuba et j’ai trouvé la source auprès de laquelle est située la grotte découverte il y a 20 ans et que certains archéologues associent à Jean-Baptiste (à son ministère ou à son culte...). L’accès est bloqué par une grille qui permet toutefois d’apercevoir les graffitis qui ont permis aux archéologues de faire l’hypothèse de Jean Baptiste.
La grotte de Jean-Baptiste ?
Retour à Har Eitan puis j’ai pris le sentier vers Ein Handaq puis vers l’église de la Visitation, Ein Karem et jusqu’au mochissime monument rouge au terminus du tramway. Ce qui m’a surpris, c’est qu’au contraire du mercredi des Cendres où je n’avais vu personne, ce jour-là, la campagne était très fréquentée.

Je me suis arrêté à Maḥane Yehuda pour acheter mes traditionnels 500 g d’amandes. Puis de retour au Collège, messe avec Pedro.
Mardi matin, j’avais rendez-vous avec les lutins à 8 h au Cénacle pour le voir. Enfin, ils ont réussi à le visiter ! Ensuite, nous avons filé vers l’esplanade des Mosquées que nous avons traversée allegro… Puis route vers Bethléem. Nous avons admiré les mosaïques (je n’arrive pas à m’en lasser, qu’est-ce que c’est beau !) Malgré la patience, nous n’avons pas pu entrer dans la grotte de la Nativité. J’avais réservé la messe à l’autel des Mages, dans la grotte. Mais trois semaines plus tôt, le bureau des pèlerinages m’a déplacé à la grotte de saint Jérôme. Tant pis. Jolie messe en famille, simple et joyeuse : Augustin et Anne-Claire ont emmené leurs enfants en Terre Sainte à l’occasion de leurs 20 ans de mariage. Après la messe, nous avons fait la procession avec les Franciscains, ce qui nous a permis d’aller dans la grotte de la Nativité et surtout de le faire dans la prière !
Déjeuner sur la place de la mangeoire, emplettes rapides et retour à Jérusalem. Il a fallu patienter au check-point. Et nous sommes allés visiter la cité de David. Nous avons vu les vestiges anciens mais surtout les enfants ont adoré le tunnel d’Ézéchias. Par manque de temps, nous ne sommes pas remontés par la rue hérodienne. Nous sommes sortis du site et avons remonté la vallée du Cédron qui regorgeait de coquelicots, roses trémières et autres fleurs sauvages. Retour à la maison d’Abraham pour récupérer les valises et nous nous sommes dit « au revoir », car les lutins allaient en Galilée pour continuer leur pélé.
Je me suis couché tôt.
Ce mercredi, il a fallu reprendre les bonnes habitudes de travail… Dur, dur…
À bientôt,
Étienne+

samedi 20 avril 2019

Rien ne sert de naître, sans la joie d’être sauvé !

Nihil enim nobis nasci profuit,
nisi redimi profuisset !

Chers amis,
Depuis mardi, je suis resté silencieux. Beaucoup de prières, mais aussi pas mal d’activités. Mercredi, la journée a été calme, j’ai essayé d’arriver à quelque chose de cohérent dans mes dernières recherches. Jeudi matin, à 8 heures, j’étais au Saint-Sépulcre pour la messe chrismale : beaucoup de prêtres sont là, prêtres du diocèse, franciscains, religieux de Terre Sainte, prêtres étudiants… J’ai de la chance car je me retrouve au premier rang sur le côté nord de l’édicule. J’y vois donc assez bien et si l’administrateur avait parlé un peu plus fort, j’aurais pu l’entendre. La messe est très calme (les portes de la Basilique sont fermées et il n’y a pas d’autres offices chez nos frères séparés). La liturgie de la parole associe les lectures de la messe chrismale et celle de la messe du Jeudi saint ; après l’homélie, on a le lavement des pieds, puis le renouvellement des promesses sacerdotales et la bénédiction des huiles. La communion dure des heures : tous les prêtres communient et ensuite seulement, les fidèles. Il y a trois ans je m’étais ouvert de cette interrogation à Frère Stéphane, il m’avait répondu qu’en fait, on jouait la montre : il faut occuper l’espace tout le temps qui nous est alloué, sinon on perd la jouissance du lieu !
Après la communion, on porte la réserve eucharistique en procession, les prêtres font trois fois le tour de l’édicule de la tombe avec des cierges. Depuis trois ans, aucun progrès, les prêtres ne savent toujours pas compter jusqu’à quatre : on est censé se mettre en file quatre par quatre, mais on est plus souvent cinq ou six… Le troisième tour se prolonge par une station dans le vestibule de la basilique : on coince tous les prêtres dans cet endroit et quand tout le monde y est, la procession retourne devant l’édicule. Cet artifice a permis d’enlever l’autel qui obture la porte de la tombe. La réserve est mise dans la tombe. Et nous retournons à la sacristie. J’y salue Frère Stéphane et délaisse la petite collation qui y est servie. De toute façon, il n’y en aura pas pour tout le monde et, souvent, les prêtres ne sont pas les meilleurs compagnons sur un buffet…
La journée se continue dans un certain calme… J’en profite pour faire une belle sieste.
Je rejoins Saint-Pierre en Gallicante vers 16h. Avec les Assomptionnistes, le Chemin Neuf, les Pères Blancs et pas mal de monde, nous célébrerons la Cène du Seigneur. Je suis entre la chorale et les célébrants… On m’a demandé de chanter les parties solistes du chant du lavement des pieds. Après la messe et la dépose de la réserve dans l’église inférieur de Saint-Pierre, je retrouve une famille, Auguste, Anne-Claire et leurs cinq enfants. Ils font ce pèlerinage en Terre Sainte pour leurs 20 ans de mariage.
Nous dînons sur la terrasse de Saint-Pierre avec les participants à la messe. Nous profitons aussi de notre présence à cet endroit pour aller voir la fosse de Saint-Pierre ainsi que l’escalier antique.
Nous continuons vers Gethsémani où s’achève la célébration de l’Heure Sainte : il nous faut patienter et pousser un peu pour entrer une fois que tout est fini. Comme toujours, l’atmosphère est irrespirable à l’intérieur. Nous vénérons le rocher de Gethsémani puis nous nous séparons.
En revenant à la maison (encore une fois, il faut tout remonter), je devise avec le Frère David, un franciscain.
Vendredi matin, j’avais rendez-vous à 8 heures à la Flagellation pour le chemin de Croix. En sortant du Collège, je croise Marie-Armelle, journaliste à Terre Sainte magazine : elle précède les Franciscains qui vont au Patriarcat chercher l’évêque. À la Flagellation, la famille d’Auguste et Anne-Claire rejoint les familles rassemblées pour le chemin de Croix. Beau chemin de croix, recueilli, alors que les rues de la Vieille Ville commencent à se remplir. Nous terminons sur le toit de la chapelle arménienne. En arrivant sur la place du Saint-Sépulcre, les portes sont encore fermées. La célébration au Calvaire n’est pas encore achevée.
Avec les lutins (c’est ainsi qu’Augustin appelle ses enfants) nous passons au Collège des Frères pour admirer la vue puis nous faisons un tour dans la Vieille Ville notamment au Mur occidental. Après, il est temps de déjeuner, les enfants sont affamées et n’ont pas plus d’oreille… Une soupe de lentille et un morceau de pain me suffiront en ce jour.
Nous nous dirigeons vers Sainte-Anne avant de faire l’ascension du Mont des Oliviers pour visiter le Carmel du Pater, Dominus Flevit et le tombeau de la Vierge.
Après cela, je quitte la petite tribu car je dois rejoindre l’Ecce Homo pour l’office de la Passion. Répétition de la lecture de la Passion, calage de la liturgie. La célébration se tient au Lithostrotos, le dallage qui, lorsqu’il fut découvert, fut considéré comme celui où se passe le procès de Jésus selon saint Jean (Jn 19,13). L’espace est particulièrement exigu mais porteur spirituellement.
Pour la vénération de la Croix, nous en portons une en procession vers une grande salle à côté : grande prière universelle et vénération de la Croix.
Après l’office, les prêtres se rendent disponibles pour confesser et c’est l’occasion de belles rencontres. Finalement, je vais manger avec les membres du Chemin Neuf et les jeunes présents à Jérusalem pour ces jours saints. Après cela, je me propose de retourner au Mur occidental pour voir les Juifs qui célèbrent Pessah, la Pâque juive. Mauvais calcul, il n’y a presque personne : peut-être cinq homme devant le mur… Je réalise qu’ils ne peuvent pas être au Mur puisqu’ils sont en train de manger le seder, le repas pascal où l’on commémore la sortie d’Égypte.
Ce samedi matin, lever tôt pour aller à la Vigile pascale. Là encore pas mal de prêtres. La liturgie du feu pascal se fait dans l’entrée du Saint-Sépulcre. Mais le feu est décevant, un joli brasero en argent avec de grosses braises rouges. On le bénit pour charger l’encensoir qui fume. Puis on se dirige vers l’édicule. La tension monte dans les rangs du clergé : aura-t-on une bonne place ? Je joue de chance et me retrouve à la même place qu’il y a trois ans pour la messe chrismale ! Je serai donc tout à mon aise pour profiter de la liturgie. Sinon, que je retrouve comme voisin mon “ami” patapouf, déjà vu lors de la messe du deuxième dimanche de Carême.
Je suis au milieu de la photo
La lumière sort du tombeau et vient allumer le cierge pascal (dont le chandelier est d’une sobriété surprenante : en bois tourné !). C’est beaucoup plus sobre que pour les Orientaux et au moins on ne cherche pas à les concurrencer : cela évite les querelles apologétiques stupides. L’Exsultet est chanté par Firaz, le diacre dont j’ai fait la connaissance à Bethléem il y a quinze jours. Il a une très belle voix.
Les lectures s’enchaînent alternant latin et langues vernaculaires (arabe, anglais, français et italien). Lors de la première lecture, j'ai eu un petit fou rire : au moment où le lecteur proclamait la création de omne volatile secundum genus suum (tout volatile selon son genre) un pigeon a choisi ce moment pour s'envoler bruyamment... Curieusement, l’Évangile de la Résurrection n’est pas proclamé par le diacre mais par l’évêque ! Le livret indique que c’est une tradition antique de Jérusalem, liée à ce lieu et à ce jour.
Pas besoin de tendre l’oreille pour écouter l’homélie : Mgr Pizzaballa a beaucoup parlé de la nuit dont les ténèbres ne sont qu’un manque de lumière.
La liturgie baptismale est assez rapide. Puis la liturgie eucharistique, comme Custode, Mgr Pizzaballa galopait, l’épiscopat ne l’a pas fait ralentir.
La communion se fait comme l’avant-veille…
Puis l’évêque nous bénit et finit par faire chanter un chant de Pâques en arabe. Il finit en proclamant : !المسيح قام! حقا قام C’est la salutation pascale en arabe : le Christ est ressuscité ! Vraiment ressuscité !
Retour à la sacristie, il est déjà plus de 11 h… Je m’arrête devant le Collège pour me payer un saḥlav et un croissant !
Ce matin, nous avons évité le pire au Collège. Des gens sont venus livrer une bouteille de gaz qu’ils ont posée sous l’escalier du grenier devant ma porte. Ils l’ont laissé ouverte et une odeur de gaz a rempli l’étage des Frères… Heureusement, nous avons trouvé où était la fuite. J’ai aussi vu ce que c’est qu'une colère du Frère Rafael : vaut mieux pas essayer !
À bientôt,
Étienne+

mardi 16 avril 2019

stabat iuxta crucem Iesu mater eius (Jn 19,25)


Εἱστήκεισαν δὲ παρὰ τῷ σταυρῷ τοῦ Ἰησοῦ ἡ μήτηρ αὐτοῦ
Eistèkeisan de para tôi staurôi tou Ièsous hè mètèr autou

Chers amis,
Mon dernier billet remonte à deux jours à peine mais la tragédie d’hier. La joie des Rameaux a été vite obscurcie.
Je ne croyais pas avoir à remettre le libellé #PrayForParis, déjà utilisé en novembre 2015 après les attentats du Bataclan. Certes, le drame d'hier n'est pas, pour ce qu'on en sait, d'origine terroriste mais nous sommes tous touchés, bouleversés, anéantis, comme nous l'étions en 2015... Peut-être même plus.
Hier lundi, la journée s’est déroulée sans rien de particulier. Messe à l’Ecce Homo, comme un lundi matin. Et une bonne journée de travail.
Après dîner, nous avons allumé la télévision pour regarder les nouvelles. Habituellement nous regardons Euronews mais leur nouvelle grille de programmation est illisible avec le bulletin de 20h23, la pub pour Incredible India et l’Écossais incompréhensible. En plus, les derniers rebondissements du Brexit les font flipper et ça devient insupportable.
Donc Frère Rafael a mis sur la télé espagnole qui mettait en valeur les pasos et processions de la semaine sainte (ces grands chars avec des scènes de la Passion portés par des pénitents encagoulés à travers les rues). Il y avait une petite pastille en bas à droite, assez illisible à cause de la mauvaise réception satellite qui disait : « Notre-Dame de Paris, direct ». J’ai eu un mauvais pressentiment mais sans plus. Je suis allé régler des affaires dans ma chambre mais avec une très mauvaise connexion Internet, je ne suis donc pas allé voir…
En retournant au salon à 21 h 10, j’ai découvert effaré les images sur CNN. Je n’en croyais pas mes yeux ! Mon téléphone, sur silencieux, avait reçu des tas de messages sur le WhatsApp de mes frères et sœurs et sur celui avec mon amie Marie des Neiges. Elle habite chez ses parents sur l’Île Saint-Louis et la terrasse de l’appartement donne sur le chevet de Notre-Dame.
À 21 h 30, nous sommes passés sur TV5Monde qui diffuse en différé le 20 h de France 2. Là nous avions plus d’infos et d’images. Quelle horreur ! Quelle tristesse !
Sur les réseaux sociaux, infos diverses, nouvelles plus ou moins vérifiées. Le sort de la sainte couronne a fait l’objet de nouvelles contradictoires. Et toujours, les flammes qui semblaient ne jamais s’arrêter.
En allant pleurer un bon coup dans ma chambre, une amie de Jérusalem m’a téléphoné, nous sommes restés un bon moment à parler, échanger : « Comment veux-tu que nous arrivions à dormir dans ces conditions ! ». Pourtant, à travers la sidération, j’ai été impressionné par l’attitude des gens : le silence, les larmes mais surtout la prière dans la rue. Cet événement pourrait-il susciter un sursaut ?
Le P. Guillaume de Menthière, qui a prêché les Conférences de Carême cette année – la dernière pas plus tard que la veille du sinistre – a écrit (bien mieux que je ne saurais le faire) :
Nuit de feu
Cette nuit n’était pas faite pour dormir. 
À la vue de Notre-Dame en flammes, l’émotion était trop forte, la tristesse trop intense, la prière trop nécessaire. Et dire que j’étais encore la veille prêchant sous ces voûtes millénaires où je fus ordonné il y a bientôt trente ans ! Je ne puis vous exprimer la peine qui me gagne à la pensée de cet écrin de tant de nos souvenirs heureux disparu en fumée…
Vous avouerais-je pourtant qu’à la consternation a très vite fait place en moi une sorte de reconnaissance subjuguée ? Des propos que j’avais toujours désiré entendre ont semblé jaillir comme par miracle de ce funeste événement. Au cours de ces heures angoissées, il m’a semblé, en effet, sentir le vieux coq Gaulois se réveiller de sa torpeur.
Que de magnifiques paroles unanimes les médias n’ont-ils pas relayées de manière persistante et ininterrompue ! De la part de touristes, de badauds, de journalistes, d’hommes politiques, d’ecclésiastiques, d’esthètes, de pompiers,… Des gens de tous âges, de toutes conditions, de toutes origines et de toutes croyances… Une mystérieuse communion semblait régner enfin sur ce peuple de France dont les mois écoulés avaient si tristement montré au monde le morcellement et les fractures. Cette unité qu’un message présidentiel, prévu le même soir, n’aurait probablement pas réussi à renouer, Notre-Dame, la Vierge Sainte, l’accomplissait sous nos yeux éberlués. Et si c’était encore une fois l’intervention surnaturelle de la Mère de Dieu qui redonnait à notre cher et vieux pays l’élan de l’espérance ?
Bien sûr restent l’infinie douleur de voir ces ruines désolées, l’irréparable perte de tant d’œuvres d’art, et l’abattement devant la tâche colossale de la reconstruction. Pourtant en cette Semaine Sainte qui débouche sur la victoire de Pâques, les chrétiens aiment à se redire que de tout mal, Dieu peut faire sortir un bien. De quel relèvement ce désastre est-il la promesse et l’amorce ? Ces pierres dont le Seigneur nous disaient hier encore qu’elles crieraient, ne les entendons-nous pas, encore fumantes, appeler au sursaut et à la foi ?
Père Guillaume de Menthière+
Je ne me voyais pas aller dormir, je suis donc retourné devant la télé où le JT de France 2 s’était prolongé puis ils ont montré le Soir 3, et l’allocution de Mgr Aupetit et du Président (je suis pas macroniste pour deux sous, mais ses paroles étaient à la hauteur du drame).
Finalement, vers 2 h du matin, je suis allé me coucher et ai fini par m’endormir d’un sommeil mauvais.
J’ai tout de même passé la journée à la Bibliothèque et j’ai pas mal regardé sur Internet, twitter, etc, l’évolution de la situation, les photos, les déclarations, les promesses de dons. Un mot revient souvent : ÂME. Comment ce bâtiment de pierre, de plomb et de verre EST-IL une âme ? C'est qu'on ne l'a pas construit pour qu'il soit beau ; on ne l'a pas construit pour qu'il soit grand mais on l'a construit pour que l'homme sache qu'il y rencontre Dieu sous le regard maternel de Notre-Dame. Et c'est pour ça qu'on l'a construit grand et beau, à cause de la grandeur et de la beauté de Dieu.
C’est simple, j’ai pleuré toute la journée… Paradoxalement, j’étais en forme pour l’étude et j’ai rédigé trois bonnes pages assez serrées.
En sortant de la bibliothèque, j’ai croisé Anthony, mon directeur de thèse. Il revenait des États-Unis.
Parmi les décombres, au milieu des volutes de fumée, au fond de la nef détrempée, la Vierge de Claudel, la Pietà de Louis XIII sont là, debout. Quel signe ! Comment ne pas y voir un miracle !
Ce soir, j’ai présidé la messe à la chapelle des Frères. J’étais on the edge.
Sinon, je voudrais vous laisser avec les paroles du P. Cédric Burgun sur le plateau de France 2 hier soir. Il a dit quelque chose de très fort et je vous le retranscris :

Je pense que nous avons quelque peu anticipé le Vendredi saint où nous faisons mémoire de la mort du Christ, dans cette journée terrible où le corps du Christ est martyrisé jusqu'à la Croix. Quelque part nous l'avons déjà vécu ce soir avec ce bâtiment qui symbolise le Corps du Christ et sa présence au cœur de la communauté croyante, qui a été martyrisé et lacéré par les flammes. Quelque part, les chrétiens sont entrés dans la journée du Vendredi saint avec quelques jours d'avance. Mais il ne faut pas oublier qu'à chaque fois que la communauté des chrétiens vit un drame, que ce soit un martyre ou plus encore, il y a cette espérance qui anime le cœur des croyants. Nous célébrerons Pâques dimanche matin avec sans doute une foi plus ferme encore, une espérance chevillée au corps même s'il y aura encore la trace de ces blessures.

Au moment où il disait cela, on ne savait rien des dégâts, de ce qui avait pu être sauvé.
À bientôt, bonne semaine sainte,
Étienne+

dimanche 14 avril 2019

Ils prirent les rameaux des palmiers (Jn 13,12)

ἔλαβον τὰ βαΐα τῶν φοινίκων
elabon ta baia tôn phoinikôn

Chers amis,

Avez-vous remarqué que le billet de la semaine dernière était le 200e de ce blog depuis février 2007 ? En près de 23 mois de présence cumulée en Terre Sainte, ça fait une moyenne de 8,9 messages par mois !Déjà une semaine, le temps passe vite. J’ai l’impression de ne rien faire, ou en tout cas de ne rien faire d’intéressant, de trépidant, de racontable mais le temps passe vite. Preuve, je l’espère, que je ne m’ennuie pas.
Cette semaine a été consacrée à l’étude : je suis à la fin de l’Apocalypse. J’étudie les deux dernières béatitudes qui se trouvent dans le dernier chapitre. Il y a plein de choses à dire et j’essaie de trouver une logique dans ce chaos. Mais c’est intéressant !
Lundi, messe à l’Ecce Homo. Le soir, entretien de quelques étudiants avec Walter Moberly, un prêtre anglican, professeur émérite de théologie à l’Université de Durham (GB). Il a expliqué un peu sa conception de l’enseignement et de la recherche exégétique. Il parle assez doucement mais son anglais est un délice de britishness ! J’ai un peu parlé avec lui après l’entretien : il avait évoqué sa proximité avec saint Jean de la Croix et la spiritualité du Carmel.Le mercredi soir, il a donné une conférence : « Justice and the recognition of the true God. A fresh reading of Psalm 82 ». C’était très intéressant. En gros, il a résumé son propos par la sentence latine : Ubi Iustitia, Deus ibi et.
Samedi matin, étude et l’après-midi, je suis allé me promener. Je suis quand même passé chez le coiffeur qui était ouvert à ce moment. En passant près des bibliothèques de rue, je me suis aperçu que la Pâque juive est proche : les gens font le grand nettoyage de printemps et se délestent de leurs vieux livres dans ces abribus réhabilités. Le soir messe avec les Frères.
Ce matin, lever tôt, prière avec les Frères, petit déjeuner. Le Frère Rafael résume la situation en disant : « Il fait un temps de dimanche des Rameaux ». Un khamsin bien carabiné : vent, sable, mal de crâne, nez qui coule. Le rêve. Vers 10 h 15, je quitte le Collège pour me rendre au Carmel du Pater. Là, je retrouve le petit chœur avec lequel j’ai répété ces dernières semaines, ainsi que les quelques jeunes prêtres de l’École biblique que je croise à la Bibliothèque. La procession commence dans les ruines de la Basilique de l’Eléona et nous nous dirigeons au fond du jardin du Carmel, au milieu des oliviers avec la belle vue sur la Ville. La messe est bilingue (nous avons donc eu droit à deux homélies, un brin bisounours). Le vent – la tempête, devrais-je dire ! – soufflait, à décorner les bœufs. Imaginez quelque chose comme un bon mistral, en plus fort.

Après la messe, pique-nique avec tout le monde. Je retrouve quelques habitués d’Abu Gosh : il y a du muscat, du saucisson. J’ai apporté un fromage de chèvre (le petit reste du stock apporté par Marie-Claire, il y a quinze jours). Puis nous nous dirigeons vers Bethphagé d’où part la procession. Il y a un monde fou. Dès le départ de la procession, il y a un monde fou mais je retrouve les Frères Malak, Daoud et José. Nous rejoignons les jeunes de la paroisse de Bethléem. Ils chantent à tue-tête. Il y a même quelques alléluias pas trop liturgiques, mais c’est pas grave. À un moment, on voit deux policiers israéliens qui rentrent dans le groupe et se dirigent vers un des garçons. Son crime ? il porte autour du cou un foulard mêlant le motif du keffieh et le drapeau palestinien qui n’a pas droit de cité dans le territoire qu’Israël considère comme le sien. À part ça, pas de problème. Comme la paroisse lambinait, je me suis avancé avec Sami, mon voisin de bibliothèque et suis arrivé dans un groupe de Philippins. Un type portait sur sa tête un haut-parleur, sur lequel était branché une clé USB et la playlist défilait. Musicalement et chorégraphiquement, c’était plutôt du genre Patrick Sébastien (Qu’est-ce qu’on est serré dans cette procession et Tourner les rameaux) mais les paroles étaient bien cathos : « walk in the light of God », « rejoice in Him ». On a tout de même mis plus de deux heures trente pour atteindre Sainte-Anne. Nous arrivons enfin à Sainte-Anne, accueillis par M. le Consul général. 

Bénédiction avec
la relique de la Vraie Croix
On poireaute un moment que les huiles arrivent. Les chevaliers du Saint-Sépulcre arrivent, un groupe de Polonais en costume traditionnel (avec toque en fourrure et plumes). Une jeune Bethléémite raconte son expérience des JMJ à Panama. Enfin, l’archevêque arrive. Il parle un peu en anglais, puis son auxiliaire parle en arabe. Et il bénit avec la relique de la Vraie Croix. 

Ensuite, il faut remonter tout en haut de la Vieille Ville (la vue imprenable sur la Vieille Ville, ça se paye). J’accompagne deux dames mexicaines qui font du volontariat à Magdala et qui cherchent le chemin de la Porte Neuve.
Je suis vanné ! Mais en me brossant les dents, je me suis rendu compte que je resplendissais...
Ce soir, les scouts ont joué de la musique pendant deux bonnes heures à la Porte Neuve (de 19 à 21h) : cornemuses et grosses caisses à gogo... Vivement le retour au calme !
À bientôt,
Étienne+


dimanche 7 avril 2019

Trois cents ans (Gn 5,22)

שְׁלֹשׁ מֵאוֹת שָׁנָה
šelōš mēɔôṯ šānāh

Chers amis,
Déjà une semaine sans billet ! En fait, c’est parce qu’il ne s’est pas passé grand-chose… J’étais en bibliothèque toute la semaine. Évidemment, lundi matin, j’étais à l’Ecce Homo. Une petite équipe du conseil central de la communauté du Chemin Neuf était là pour une visite. Rencontre sympa et échange fraternel bien que rapide.
Le soir, je suis allé manger à Saint-Pierre en Gallicante, invité par le P. Cezar, supérieur de la communauté. Je suis arrivé pour les Vêpres dans l’église inférieure. Puis un bon repas simple avec les Assomptionnistes. Après le repas, avec Cezar et Marie-Claire, nous sommes allés voir le spectacle son et lumière à la Tour de David. C’était un spectacle sur le roi David. C’est un peu le même genre que les spectacles qui ont lieu l’été dans la Cour des Invalides ou au Palais des Papes.

Je me suis retrouvé assis à côté de deux couples de Français. On a commencé à parler, j’ai évoqué mes recherches. Ils avaient l’air intéressé. En fait, il s’agissait de Mormons (ou plus exactement – et malheureusement – de catholiques convertis au mormonisme…). L’échange a été sympa, chaleureux et ouvert mais quand on a parlé de l’Apocalypse, je me suis demandé si on parlait du même texte. Ils sont à fond dans la ligne de lecture historico-chronologique qui cherche à savoir à quelle trompette ou quelle coupe nous sommes (la troisième trompette – Ap 8,11 – sachez-le, c’était Tchernobyl !). Parfois je me dis que saint Jean a échoué à nous transmettre un message compréhensible…Mardi, c’était le 27 rajab 1440 dans le calendrier musulman, soit Lailat al-Miraj, la nuit de l’Ascension de Mahomet. Ce n’est pas une fête très importante pour les musulmans mais comme Jérusalem est censée être le lieu où l’événement est censé s’être déroulé, c’était un jour de congé au Collège.Jeudi, journée bien chargée… Messe à midi à l’École. Le soir, conférence à l’École biblique donnée par le P. Étienne Nodet, spécialiste de Flavius Josèphe, du judaïsme du Second Temple et du christianisme primitif. Il a donné une conférence sur la Bible de Flavius Josèphe. Cet auteur juif du Ier s. a rédigé une œuvre monumentale : les Antiquités judaïques destinées à montrer aux Romains l’ancienneté – et donc la respectabilité – du judaïsme. La première partie du livre est une paraphrase de la Bible mais les différences de détails dans les récits et autres sont très instructives sur l’état de la Bible à l’époque, juste avant que le monde juif ne “canonise” ses Écritures, à la fin du Ier s. La conférence était passionnante, mais j’aurais du mal à en faire un résumé. Le P. Nodet a une pensée ultra synthétique et est parfois difficile à suivre surtout pour des néophytes. Cela me rappelle que j’ai oublié de vous relater la conférence de la semaine précédente donnée par un étudiant de l’École sur les stèles puniques de Carthage et leurs inscriptions. Dans ce site, en Tunisie aujourd’hui, on a retrouvé des tas et des tas de stèles votives dans un lieu qu’on appelle le Tophet (du nom de la structure similaire située à Jérusalem au VIIIe s. avant J.-C.). En gros, les archéologues se disputent pour savoir si des sacrifices d’enfants se pratiquaient à Carthage à l’époque (la grand majorité des stèles, plus de 90 %, marquent des ensevelissement de restes de bébés incinérés)… Et les stèles sont dédiées à Tanit et Ba’al Hamon, divinités païennes des phéniciens (Liban actuel) dont Carthage était un comptoir occidental (Carthage, en phénicien Qart-Hadašt, c’est-à-dire Nouvelle ville ; si l’on pense à Cartagena en Espagne qui s’appelait en latin Carthago Nova, c’est-à-dire la nouvelle ville nouvelle !). Le fond était intéressant, la forme un peu brouillonne.
Après la conférence, je suis retourné au Collège pour y avaler un bol de soupe et une tranche de fromage avant de retourner à Saint-Pierre en Gallicante (troisième fois en moins d’une semaine !) pour la répétition de chants de la semaine sainte.Vendredi, on m’avait fait signe pour un temps d’adoration. J’ai calé. Je subis encore le contrecoup du changement d’horaire de la semaine dernière. Toute cette semaine, je désirais me coucher tôt, mais c’était sans compter le Sound Festival in the Old City… Et dans ma chambre à deux fenêtres, j’avais un concert différent sous chacune d’entre elles. Sous celle de la rue de la Porte Neuve, c’était plutôt acoustique et vocal, un brin orientalisant. Sous celle de Kikar Tsahal, plutôt techno. Je crois qu’il y avait plus de monde à la Porte Neuve que sur la place : un DJ face à – soyons généreux – une douzaine de personnes sur une grande place de 5 dunams, ça fait pas tellement rêver. Le dunam est une unité de surface héritée de l'empire ottoman et elle sert encore aujourd'hui en Israël pour les transactions foncières. Pour la conversion, ça vous filera pas la méningite si vous savez qu'un dunam fait 1000 m² (les anglais ont arrondi le dunam ottoman en système métrique ! Le croyez-vous ?
Du coup entre lundi et jeudi soir, c’était musique à fond jusqu’à 23 h.
Samedi matin, bibliothèque… Messe à l’École. Puis j’avais rendez-vous à 15 h avec Marie-Claire. Petite balade dans le parc derrière l’hôtel King David, à la découverte de la tombe de la famille d’Hérode puis panorama sur Jérusalem depuis le moulin de Montefiore. On a refait le monde avant de traverser Yemin Moshe, le parc Teddy pour voir les jets d’eau. On a pris un thé au Collège et un père trappiste, qui logeait au Collège ce week end, est arrivé. On a discuté un moment… Quelle tchatche… Je me suis aperçu qu’il connaissait Line, une étudiante du Studium, d’il y a 8 ans !
Ensuite, dîner au resto HaMaraqiya (la soupière !) et crêpe rue Ben Yehouda. Arrivé sur Kikar Tsahal petit selfie !
Messe jubilaire à Bethléem
Ce matin, départ pour Bethléem, la messe était célébrée à 10 h dans la chapelle de l’Université de Bethléem (ancienne école des Frères) dédiée à l’Enfant-Jésus. Les frères de Jérusalem et Bethléem célébraient les 300 de la naissance au ciel de leur fondateur, saint Jean-Baptiste de la Salle (#300LaSalle). Au cours de la messe, la quinzaine de Frères présents ont renouvelé leurs vœux. Après la messe, une petite cérémonie a eu lieu pour remettre des cadeaux aux membres de l’équipe de l’Université qui y travaillent depuis 5, 10, 15, 20, 25, 30, 35 et 40 ans, ainsi que ceux qui partent à la retraite. Applaudissements, photos et tout le monde s’est dirigé vers le parc de l’université pour un buffet : salades diverses, méchoui (grillades) et pour finir une mousse au chocolat. J’ai pu parler avec les frères de l’Université, tous anglophones (USA, Australie, NZ), la sœur Corazon (de Mindanao aux Philippines) et le diacre Firaz qui faisait office de cérémoniaire. Il a étudié le droit pendant deux ans à Toulouse et parle un excellent français. Il connaît aussi un prêtre de Nîmes, qui était dans la paroisse de ma sœur et avec lequel j’ai enregistré des CD en 2006 et 2007 !
Renouvellement des vœux au cours de la messe (photo : latribunedeterresainte)
Après le repas, Frère Daoud nous a embarqué pour faire les courses : arrêt minute chez le marchand de fruits et légumes de Bab el Skak (le gros carrefour entre Bethléem et Beth Jala, bien mal nommé “porte de la ruelle”) puis « au plus grand supermarché du coin » avec parking souterrain et tout et tout (les Palestiniens n’ont pas intégré le concept de parking souterrain : tout autour du magasin, le stationnement est bo…, chaotique mais dans le souterrain, c’est vide). On a fait le tour du magasin en dix minutes. Assez étrange : deux rayons pâtes, deux rayons thé-café-tisane avec les mêmes produits… Et dans un coin planqué, honteux, le rayon bières, vins et alcools. On est en Palestine !
Petit arrêt chez Mme Mansour, la sœur du Frère Daoud. Le prénom de son mari, c’est Mansour… Donc il s’appelle Mansour Mansour (= Victor Victor) ; c’est la troisième personne que je connais qui a un prénom identique à son nom de famille !)
Retour assez rapide au Collège. Je me suis vite changé, il n’était que 15 h et suis allé me balader pour une course urgente dans un magasin de sports. Dans une rue, il y avait un panneau en anglais et en hébreu : Soon Jerusalem will be home of 200 embassies, one per country. Nations of the world, your next step is obvious : Your Embassy in Jerusalem (Bientôt Jérusalem abritera 200 ambassades, une par pays. Nations du monde, votre prochaine étape est évidente : Votre ambassade à Jérusalem). Le joli bâtiment derrière ferait en effet une jolie représentation diplomatique et l'agent immobilier s'est dit qu'on pouvait jouer là-dessus. Il est vrai que la décision de Trump, il y a un an est en train de faire des émules, dont Bolsonaro (Brésil). Comme Netanyahou a Trump derrière lui (qui vient de reconnaître l'annexion du Golan syrien par Israël), il parle beaucoup ces temps-ci et notamment d'annexer les colonies israéliennes en Cisjordanie. A trois jours des élections législatives qui doivent renouveler les 120 sièges de la chambre unique du Parlement (Knesset). Il y a quelques affiches en ville mais ça n'est pas aussi visible que pour les législatives françaises.
Dîner léger avec les Frères et repos.
À bientôt,
Étienne+