dimanche 28 mai 2017

Le jeûne était déjà passé (Ac 27,9)

τὴν νηστείαν ἤδη παρεληλυθέναι
tèn nèsteian èdè parelèluthenai

Chers amis,

Quatre jours déjà…
Jeudi, je vous avais quitté tôt le matin avec le récit de notre messe nocturne à la mosquée de l’Ascension… En effet, malgré tous mes efforts, un réveil plus tardif que 6h15 m’est impossible…
Pour occuper cette journée de fête, j’avais proposé à des amis une visite du Musée des arts islamiques de Jérusalem. Contrairement à ce que vous pourriez penser, ce Musée se situe à Jérusalem Ouest, à deux pas du palais présidentiel où trois jours plus tôt, Trump est venu rencontrer Reuven Rivlin, président (nassi) d’Israël. J’ai sauté sur l’occasion d’une journée où les horaires d’ouverture du musée sont compatibles avec la logique (normalement, le musée est ouvert de 10 à 14 heures… Vous avouerez que ça manque d’attrait. Le jeudi, le musée fait un nocturne, jusqu’à 19 h ! Wouaouh ! Et pour couronner le tout, bien qu’il s’agisse d’un musée israélien, il est fermé le dimanche qui est mon jour off..)
La montre "Marie Antoinette"
Et la visite a commencé par des montres suisses, françaises et anglaises. Oui, je le reconnais, on fait plus islamique que des montres du xviiie et xixe siècle… En fait, le père de la fondatrice du Musée avait une exceptionnelle collection de montres et boîtes à musique qui ont donc intégré les collections du musée. Nous avons tout de même remarqué de petites horloges destinées au marché turc et ornées de motifs exotiques et orientalisants. Nous avons regardé avec attention la montre dite “Marie Antoinette”, surnommée la Joconde de l’horlogerie. Malgré ce que son nom pourrait laisser croire, la montre n’a jamais appartenu à la reine puisqu’elle fut commandée à l’horloger Bréguet, par un mystérieux intermédiaire (Axel de Fersen ? La comtesse de la Motte dans un galop d’essai du fameux collier ?...) en 1783 et terminée en 1827, 34 ans après la mort de la Reine… La montre présente toutes les fonctionnalités que l’on connaissait à l’époque et encore aujourd’hui, son prix est estimée à 30 millions de $. En 1983, la montre a été volée par un émule d’Arsène Lupin (un camion garé derrière et un pied-de-biche ont suffi). Et on ne l’a retrouvée qu’en 2007. Suivez le lien pour avoir plus d’infos sur les péripéties de cette montre.

Il y a aussi quelques jolies boîtes à musique, un éventail dans le panache duquel se niche une petite montre, des cartels…
Ensuite, nous avons parcouru les galeries du musée qui présentent les arts liés à l’islam. La première salle présente les grandes lignes de l’histoire de l’islam et les fondamentaux de cette religion. Ensuite, chaque salle présente une période de l’histoire de l’islam : omeyyades et fatimides ; seldjoukides et mamelouks ; les civilisations musulmanes de l’Iran (Ispahan, Samarcande) ; les ottomans et les moghuls (le Taj Mahal). Bref, on s’en met plein les yeux. Le site Internet est très décevant : aucune photo ! Voici une recherche google qui pallie ce manque.
Au milieu des galeries, il y avait quelques œuvres d’art contemporain. Le gars à l’entrée nous a parlé de ces œuvres, il était très enthousiaste, j’ai dit en français : « Ah oui, de l’art comptant pour rien ! » Et il m’a dit « Yes, indeed ! » On s’amuse comme on peut.
Voici un exemple accompagné de ma traduction du livret d’accompagnement qui explique ce qu’il faut comprendre : « L’œuvre de Doron Rabian comprend deux parties : une sculpture improvisée faite d’un fer à repasser sur le sol et sur le mur une impression photographique sur un tissu, représentant le cimetière musulman de Sheikh Murad au sud de Tel Aviv, auquel on donne un effet de plissé. La plupart des Palestiniens qui vivaient dans les environs ont été expulsés en 1948. La connotation de l’œuvre est le lissage de la mémoire, “repassant” les couches de l’histoire et de la culture en une image qui les reconstruit »… Remarquez le papier qui indique qu’il est interdit de toucher (cela évite les vandalismes commis par des femmes de ménage zélées). Sinon, derrière, vous pouvez apercevoir des céramiques médiévales.
Après avoir passé près de 2 h 30 dans ce beau musée, nous sommes repartis vers la vallée des gazelles. Halte dans une épicerie pour acheter de quoi se nourrir et pique-nique dans un des abris de la vallée. Nous avons eu de la chance, la vallée était vide (ou presque) d’êtres humains et nous avons donc vu pas mal de ces si délicats mammifères. Puis retour vers le centre-ville (notre centre-ville de chrétiens, c’est-à-dire la Vieille Ville ; officiellement, le centre-ville de Jérusalem, c’est autour de la gare centrale et du pont de cordes, loin, si loin.) halte pour visiter le monastère de la Sainte-Croix, bâti sur le site où a poussé, selon la tradition, l’arbre qui servit à confectionner la croix de Jésus… Derrière le chœur de l’église, un petit autel avec une plaque en argent à travers laquelle on passe la main pour toucher le rocher sur lequel l’arbre a poussé.
Retour à la maison, bien cané…
Vendredi, journée bibliothèque. Mon directeur m’a envoyé un courriel pour me dire que ma production remise la semaine dernière était excellente ! Youpi.
Comme d’habitude, messe à l’Ecce Homo. Je leur ai dit au revoir. L’équipe du Chemin Neuf est vraiment sympa. Il y avait aussi une sœur de Sion philippine, originaire d’Infanta, le berceau de NDV aux Philippines et en Asie ! Nous avons donc parlé un petit moment.
En fin d’après-midi, petit jus de fruit dans notre cantine, le resto Yerevan, au bout de la rue, en sortant du Collège.
Samedi matin, le canon m’a réveillé à 4 heures du matin… C’est le canon du Ramadan (en fait, une fusée de feu d’artifice) qui indique à tous le moment où commence le jeûne et le moment où il s’achève (nous l’avons entendu ce soir pendant les Vêpres).
L’après-midi, je suis allé à Bethléem en bus avec le cher frère Albert, un Palestinien à passeport britannique (son père travaillait pour l’administration anglaise entre deux guerres). Il m’a un peu raconté son enfance à Jérusalem, la première guerre israélo-arabe, la maison brûlée et vidée de force, les deux années de résidence à la Flagellation. Je l’aime beaucoup, il respire la simplicité et la sagesse. Témoin de violences, il n’en garde pas de haine recuite et de désir de vengeance que souvent on voit chez les Palestiniens.
À Bethléem, je voulais aller faire mes dévotions à la basilique de la Nativité. J’ai pu voir les anges dégagés par les restaurateurs de mosaïques. En ce moment, on nettoie les colonnes… Ça va être beau quand ce sera fini. En revanche, la queue pour aller dans la grotte longeait la colonnade sud et revenait par la colonnade nord (au bas mot, deux heures de patience !). En plus, je n’avais pas mon bréviaire. Il me fallait de toute urgence trouver un WiFi que j’ai trouvé au restaurant The Square, sur la place de la mangeoire. J’ai donc dit les Vêpres en buvant une Dark Taybeh, un peu plus amère que la Golden, ou peut-être ai-je pris une bière en priant les Vêpres… Puis quelques emplettes : savon de Naplouse, za’tar… Ensuite, je me suis mis à la recherche de l’église du Sacré-Cœur des Salésiens, dont les plans ont été dessinés par l’abbé Pougnet, prêtre d’Avignon et architecte de la chapelle de Sainte-Garde, de l’église des Réformés à Marseille et de nombreuses autres églises en France et en Afrique du Nord. Malheureusement, tout était fermé. J’ai donc rejoint l’Université des Frères, bâtie au sommet de la ville. Ils m’avaient invité pour célébrer la messe, comme en janvier. La fête de l’Ascension est assez drôle : comme elle est célébrée soit le jeudi, soit le dimanche selon les pays, les gens n’imaginent pas la célébrer à un autre moment que ce à quoi ils ont l’habitude : j’ai donc recélébré la messe de l’Ascension, en anglais. Puis le repas a suivi sur la terrasse de la maison des Frères qui regarde vers la basilique de la Nativité et plus loin, l’Hérodion.
Ce dimanche matin, réveil aux aurores grâce aux ouvriers : comme ils sont musulmans, ils se reposent le vendredi ; comme les ingénieurs sont juifs, il n’y a pas de travail le samedi mais le dimanche, ils sont à pied d’œuvre dès 6 h 45. En plus, ce matin, ils ont défoncé la rue au-delà de l’entrée du Collège. Maintenant, c’est vraiment “Beyrouth” !
Messe à Saint-Sauveur. Pour mon malheur, j’avais oublié le Prions en Église ; heureusement, je connais par cœur la Prière eucharistique n° 2 (après 11 ans de ministère, c’est pas un exploit) qui est systématiquement utilisée à Saint-Sauveur. On aussi chaque dimanche que Dieu fait, le même Kyrie, le même Gloria, le même Sanctus. Seul l’Alleluia et le Notre Père offrent un choix entre deux possibilités ! Quelle audace ! Le curé est très sympa, il a changé en septembre.
À midi, j’ai eu la surprise de voir quelques Frères de l’Université en visite à Jérusalem. Nous avons pris un très bon repas, surtout pour la fraternité.
Grosse ballade poméridienne qui m’a mené jusqu’à la colline de Mar Elias puis retour par l’ancienne voie ferrée que je connais bien désormais, 13 km.
Ce soir, je commence déjà mon bagage… Un brin de spleen…
À bientôt,   
Étienne+

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