mardi 26 novembre 2019

Ôte tes sandales de tes pieds (Ex 3,5)

שַׁל־נְעָלֶיךָ מֵעַל רַגְלֶיךָ
šal-nəʿāleyḵā mēʿal raḡleyḵā

Chers amis,
Je continue le récit de mon week-end.
Dimanche matin, une amie de la bibliothèque de l’ÉBAF avait organisé une visite des mosquées avec un groupe. Nous avions rendez-vous à la porte des Lions à 8 h 30. Je retrouve quelques têtes connues ; nous retrouvons le guide et nous franchissons la porte gardée par des soldats israéliens. Il a fallu négocier un peu puisque les infos transmises aux soldats ne correspondaient pas avec celles annoncées par Caroline à son intermédiaire. L’intérêt de la visite ne résidait pas dans le guide qui n’a pas grand-chose à dire. D’autant qu’il évoque abondamment la période de la construction des bâtiments, le récit de l’ascension de Mahomet qui est réputé s’être produit ici dans la tradition musulmane. Mais l’idée qu’un temple juif ait pu s’élever à cet endroit quelques siècles plus tôt lui semble au mieux incongrue, sinon blessante…
Quoiqu’il arrive, avec lui on a patte blanche pour entrer dans les mosquées qui sont habituellement fermées aux non-musulmans. Entrés à l’intérieur, c’est le ravissement pour les yeux. La visite est menée au pas de course… Je regarde avec un peu d’attention le rocher où selon les juifs Abraham a lié son fils Isaac, et où s’élevait le Temple de Jérusalem. On voit des traces d’intervention humaine dessus, comme si le rocher avait été taillé ici ou là. Puis nous passons dans la grotte dessous qui porte le nom de “puits des âmes” (les fans d’Indiana Jones apprécieront…)
On admire les mosaïques du tambour et des côtés.
Puis nous allons vers Al-Aqsa, l’autre mosquée. En entrant, quelqu’un du groupe a dit : « Quel calme ! Ça change du Saint-Sépulcre ! ».
Une fois la visite finie, je suis retourné au Collège, j’ai changé de sac et direction le Musée d’Israël qui correspondait à mon projet initial avant la proposition des Mosquées.
J’ai donc passé cinq bonnes heures dans le Musée. Je m’étais proposé de revoir les galeries archéologiques, avec les pièces importantes : le temple des stèles de Ḥaçor, le saint des saints d’Arad, la stèle de Dan, le sarcophage d’Hérode (ou supposé tel), le buste d’Hadrien, quelques monnaies importantes. Puis j’ai parcouru la galerie de la vie et des traditions juives où je voulais revoir les quatre synagogues du XVIIIe siècle qui ont été installées là : une synagogue de Vénétie, une bavaroise, une indienne et une du Surinam… Oui, il y a des synagogues en Inde et au Surinam. L’italienne ressemble beaucoup à celle du musée d’art juif italien que j’ai visité en août dernier avec Marie-Claire ; la bavaroise est en assez mauvais état : il n’y a que les murs et le plafond en bois peint avec des animaux un peu naïfs. L’indienne est jolie mais sans caractéristique marquante… La sud-américaine a une particularité : elle est toute blanche, et son sol est en sable… Le sable symboliserait la diaspora (la dispersion des juifs dans le monde) ou le séjour des juifs au désert ou encore le fait de devoir vivre en se cachant…
Robe de mariée du début du XXe s.
J’ai aussi regardé les vêtements des femmes qui sont splendides.
À la fin de la galerie, il y avait les beaux-arts et notamment les impressionnistes : Courbet, Pisarro, Degas, un Monet…
J’ai finalement trouvé le Rembrandt du Musée : « Saint Pierre en prison ». Au détour d’un couloir, je me suis retrouvé dans un salon XVIIIe offert par la baronne de Rothschild (je ne sais plus laquelle). Impression de faire un voyage dans le temps et l’espace. À l’étage en dessous, c’est une salle-à-manger anglaise : on pense alors que les filles Bennett sont sur le point de débouler pour le repas.
Puis, j’ai fait un tour à l’expo sur Peter Pan, un peu cultureuse à mon avis.
J’ai terminé par la maquette et le sanctuaire du Livre.
Quand je suis sorti vers 16 h 30, il faisait faim et j’ai avalé le petit pique-nique que j’avais préparé. Je suis rentré à la maison. Ce soir-là, je suis allé à la messe à la Qehilah, paroisse de langue hébraïque. J’ai mis l’étole blanche qu’on m’a donnée mais deux minutes avant la messe, le P. Beni, le vicaire a déboulé dans le couloir et a dit quelques mots en hébreu… Nous avons donc changé la couleur de l’étole… pour du violet.
En effet, à la Qehilah, ils ont un grand Avent qui commence avec la fête juive de Simḥat Tora qui clôt la fête de Soukkot. À Simḥat Tora, on achève le cycle annuel de lecture de la Tora. Le grand Avent de la Qehilah commence à ce moment-là avec un dimanche consacré à chaque prophète. Il y a une première lecture en plus avant notre première lecture commune. Le dimanche du Christ Roi est aussi le dimanche du roi David : la lecture supplémentaire était donc l’onction de David par le prophète Samuel (1S 16). Comme on est en Avent, pas de Gloria ! (Honnêtement, je pense que c’est idiot : le dimanche du Christ Roi n’est pas une fête mais une solennité, qui requiert le Gloria) Enfin, c’était tout de même la messe.
Ce soir-là, je ne me suis pas attardé pour aller dormir…
Lundi et mardi, bibliothèque. Lundi soir, frère Daoud est rentré du Conseil. Il allait bien.
À bientôt,
Étienne+

dimanche 24 novembre 2019

Gallion étant proconsul (Ac 18,12)

Γαλλίωνος δὲ ἀνθυπάτου ὄντος
Galliônos de anthupatou ovtos

Chers amis,
Semaine calme et week-end sur les chapeaux de roues !
Mardi, journée normale, je suis perdu entre les cités et leurs temples impériaux. J’ai concélébré la messe à l’École puisque les Frères allaient fête sainte Marie-AlphonsineGhattas, fondatrice des sœurs du rosaire. Mercredi matin, j’ai eu cours avec Anthony sur des questions de numismatique, la science des monnaies. On ne s’intéresse pas au cours actuel de ces monnaies mais au fait qu’elles fonctionnent comme des textes : quelqu’un les a produites pour que d’autres en fassent usage. Ces “textes” témoignent aussi d’un cadre culturel particulier et nous aident à comprendre le monde qui les a produits. J’ai par exemple lu un article dans lequel l’auteur s’interroge sur le sens du verset : « Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande » (Jn 15,14) à la lumière d’inscriptions sur les monnaies qui disent que le roitelet qui les a frappées est philokaisar (ami de César) ou philorhomaios (ami des romains). Dans ces cas, le titre indique plutôt une soumission qu’une affectueuse amitié…
C’était intéressant et nous avons débordé le cadre prévu sans nous ennuyer.
Ce même jour, Frère Daoud et Frère Rafael sont partis quelques jours pour un conseil de district.
Vendredi messe à l’Ecce Homo, j’ai prolongé le petit-déjeuner pour pouvoir préparer les détails de la messe du lendemain. Du coup, je ne suis pas allé à la bibliothèque ce jour-là mais j’avais prévu de la lecture pour la journée. Les téléphones ont chauffé tout au long de la semaine pour trouver un diacre, un instrumentiste ou un thuriféraire. On y est arrivé !
Samedi matin, bibliothèque. Déjeuner calme, sieste, douche. La difficulté : comment se nipper pour une occasion consulaire alors qu’on n’a rien prévu en août au moment de quitter la France… Bon, on fait simple et classique.
J’arrive à l’Ecce Homo à 15 h. Le diacre et le thuriféraire arrivent ; on met en place les derniers détails. À 16 h, tout le monde est prêt et monsieur le Consul général arrive quelques instants après. Il est accueilli par Corinne qui est responsable de la Communauté du Chemin Neuf à Jérusalem et par Sister Bernadette, supérieure des sœurs de Notre-Dame de Sion (les deux communautés collaborent pour tenir et animer la maison). Monsieur le Consul général bénit la statue du Christ qui est dans le mini-cloître de la basilique. Et la messe commence…
Ce n’est après tout qu’une messe normale avec quelques particularités. En arrivant au pied des marches du chœur, le président salue d’un signe de tête le Consul général. Après la proclamation de l’évangile, le diacre porte l’évangéliaire au Consul qui le vénère. À l’offertoire, le président est encensé puis le diacre encense le Consul général. Et à la fin de la messe, on chante l’antienne Domine, salvam fac Rem publicam et exaudi nos in die in qua invocaverimus Te. (Seigneur, tiens sauve la République et exauce-nous au jour où nous t’invoquons). Ouf ! tout s’est bien passé !
Cela m’a rappelé les messes de la Sainte-Luce à Saint-Jean de Latran où les honneurs liturgiques sont rendus à l’ambassadeur de France près le Saint-Siège au cours d’une messe présidée par le cardinal-vicaire. Cela m’a aussi évité d’entarter le Consul général comme cela m’était arrivé à Rome.
En 2006, le cardinal Ricard avait pris possession de son titre cardinalice de Saint-Augustin (près de Saint-Louis des Français). À l’issue de la messe, une réception était organisée à laquelle le Séminaire français prenait part. Je me mets dans la queue pour garnir mon assiette au buffet. Devant moi une dame plus toute jeune, très chic. Encore devant un ecclésiastique vétilleux qui chipotait pour se servir : « Vais-je prendre le canapé de droite ou de gauche ? ». Derrière moi, un grand gaillard qui parlait en gesticulant à celui qui suivait. Le grand gaillard fait un geste ample qui me bouscule (mais il ne s’en est pas aperçu). Mon assiette valse, la part de quiche qui était dedans s’envole et je réussis à la retenir en la coinçant avec mon assiette contre le dos de la vieille dame chic. Elle se retourne, je rattrape la part de quiche et me confonds en excuses. Elle a les yeux bleus révolver. Un peu plus tard dans la soirée, on m’apprend qu’il s’agit de madame le Consul de France à Rome. Flûte ! Elle est splendide avec sa trace de quiche dans le dos...
La réception qui suit est très sympa. Je parle avec des gens qui sont là de passage et qui découvrent le pays ou ceux du Chemin neuf de Nazareth qui sont venus en force prendre part à la messe. Finalement, nous nous attardons. Le Consul a l’air détendu. Pour les photos, il faudra repasser. Le photographe du patriarcat devait être là mais personne ne l’a vu et le reste des gens était très recueilli ! [Addendum: finalement, une employée de l'Ecce Homo a pris quelques photos..., d'où l'illustration]
Je rentre à la maison avec le Frère Stéphane et le thuriféraire qui est volontaire à Mamilla. Frère Stéphane propose au thuriféraire de voir l’église Saint-Sauveur, je suis et finalement, nous voilà à aller farfouiller dans le chapier de Saint-Sauveur qui déborde de vieux ornements offerts par les cours européennes à la Custodie au cours de l’histoire. Louis XIII, Louis XV, la République de Venise, le duché de Milan, la cour d’Espagne, l’Autriche… Il y a même des pièces d'ornements liturgiques dont j'ignorais l'existence : chasuble pliée, stolon... Je vous mets une image d’un ornement en soie offert par la République de Gênes en 1686. Il faisait partie de l'expo à Versailles il y a quelques années. Ça en jette.
Je suis donc rentré juste pour le dîner avec Rémi. Je vous laisse là pour vous raconter mon dimanche un peu plus tard, je suis vanné.
À bientôt,
Étienne+

lundi 18 novembre 2019

Tous les saints vous saluent (Ph 4,22)

ἀσπάζονται ὑμᾶς πάντες οἱ ἅγιοι
aspazontai humas pantes hoi hagioi

Chers amis,
Jeudi, j’ai mis le pied dans les cultes et mystères impériaux, c’est passionnant et beaucoup plus complexe que ce l’on croit souvent. Et de fait, mes béatitudes ont quelque chose à dire.
Le soir, en sortant de l’École, je me suis arrêté au Jerusalem Hotel. Loïc et Sophie y étaient pour saluer les amis qu’ils se sont faits pendant l’année passée à Jérusalem. Loïc travaillait pour une ONG à Béthanie. Le lendemain, ils ont pris l’avion pour rentrer en France. Une page qui se tourne. Je n’avais pas prévu d’y passer trop de temps et en fait, je suis parti pour arriver juste avant la messe chez les Frères. Les gens étaient peu nombreux mais sympas.
Vendredi et samedi, bibliothèque. J’ai trouvé “le” livre qu’il me faut pour ce que je dois travailler en ce moment. En plus, le thème abordé est parallèle à ce que nous abordons dans le cours du mercredi avec Anthony, ce qui est profitable.
Enfin, un week-end calme, sans rien… Les trois week-ends précédents, j’avais du monde… Samedi, j’ai fait un grand tour.
Dimanche messe à Abu Gosh. Nous étions nombreux au déjeuner, notamment le directeur de l’ÉBAF et le P. Poffet, qui était directeur en 2007, lors de mon premier séjour. Il y avait un excellent pâté fait par une amie du monastère, suivi d’une potée aux choux de compétition, et en plus il y avait de la moutarde Maille ! Je ne sais pas si vous imaginez ce que cela représente par ici, de la Maille ! En Israël, on trouve de la senf allemande qui a un goût douceâtre et laisse une étrange impression dans le palais (comme la moutarde suisse qu’on avait à Fribourg) et en Palestine, ils ont d’autres épices !
Après le café, j’ai profité de la voiture des dominicains pour rentrer à Jérusalem. Le soir, j’ai commencé à préparer mon homélie.
Lundi, toujours perdu entre Aphrodisias, Pergame, Priène et Éphèse. Je compulse d'énormes catalogues de numismatique et d’inscriptions, qui sont d’un énorme intérêt pour comprendre la culture, la vie en Asie Mineure à l’époque. J’ai trouvé quelques sites internet intéressants sur le sujet.
Ce soir, Baptiste était là, comme chaque lundi et nous avons fêté son anniversaire (il a 21 ans ce mardi ; je réalise que j’ai deux fois son âge. Vlan ! Prends ça dans la g….) J’avais vendu la mèche à Frère Daoud. Le gâteau était très bon (bien meilleur que le forêt noire de la semaine précédente que nous avons mis quatre jours à finir…).
Sinon, il commence à faire froid... Donc il fait très chaud dans la bibliothèque (les savants sont frileux). Et cela me donne l'occasion de ressortir mes jolies couvertures peau de tigre... mais il y a aussi la première soupe (Suzanne fait une soupe de lentilles à tomber par terre : ce soir, j'en ai avalé deux assiettes et une pomme et c'était tout) ainsi que les premières fraises (oui, ici, les fraises c'est aussi à Noël !).
À bientôt,
Étienne+

mercredi 13 novembre 2019

Le peuple étant dans l’attente (Lc 3,15)

προσδοκῶντος δὲ τοῦ λαοῦ
prosdokôntos de tou laou

Chers amis,
Dieu, quel week end ! J’ai passé le samedi matin à la bibliothèque. Dans l’après-midi, je suis allé à Saint-Pierre-en-Gallicante pour y rejoindre un groupe de pèlerins du diocèse d’Amiens. Certains étaient déjà passés au Collège la veille au soir pour admirer le panorama. J’ai attendu un peu : ils avaient passé la matinée à Bethléem et voulaient voir le Cénacle et la Dormition avant Saint-Pierre. Je les ai rejoints pour la célébration pénitentielle, pour laquelle j’avais proposé mes services à Yves, le prêtre qui accompagnait le groupe. Yves est un frère en Notre-Dame de Vie, et pour couronner le tout, nous avons fait les deux années de formation ensemble : vendanges, pélés, fous rires…
Ils étaient une trentaine et, à trois, nous avons pris une heure pour la confession. Puis je les ai accompagnés au Mur occidental où c’était la fin du shabbat. Nous avons franchi le portail de sécurité en mode “shabbat”, c’est-à-dire que la fouille est manuelle, on ouvre les sacs et les vigiles regardent dedans. Quand on est sortis, la sécurité avait repris le mode “normal” avec le scanner à tapis roulant… Nous sommes allés prier face au Mur et j’ai pris un peu de temps pour expliquer le Temple à l’époque de Jésus. Puis nous avons continué vers leur hôtel à l’ouest : rue de la chaîne, tétrapyle, toit, rue David…
Dimanche matin, j’ai dérogé à mes habitudes en lisant un peu de bibliographie. J’ai rejoint l’ÉBAF pour la messe de 11 h 30 : non, je n’ai pas changé “de paroisse” mais j’ai retrouvé les Amiénois. J’ai déjeuné avec eux à la Casa Nova : on voit qu’on est dans une maison italienne, les pâtes sont à tomber par terre et le parmesan est bien du parmesan !
L’après-midi, nous sommes allés au Saint-Sépulcre. Nous nous sommes mis dans la queue pour entrer dans la tombe et il nous a fallu… tenez-vous bien… 2 h 30 pour que tout le groupe puisse passer. C’était de la folie pure ! Les gens poussaient (ah, ces Russes, quels malappris !). Dans la queue, j’ai fait l’explication du site : histoire, structure du bâtiment… Normalement, ça fait patienter, mais là, au bout d’une heure, j’avais épuisé mon stock d’histoires… À la fin, en plus, ils ne faisaient plus entrer qu’au compte-gouttes à cause de l’arrivée imminente (mais pas tant que ça) de la procession des franciscains.
Après cette épreuve (je crois que c’est le mot), nous sommes rentrés à leur hôtel. Moi, je suis allé me coucher un moment avant les Vêpres et le repas.
Lundi, mardi et mercredi : bibliothèque. Lundi, le Frère Albert est arrivé d’Amman pour quelques jours. Il va bien.
Lundi soir, nous étions nombreux à la messe. Rémi avait amené sa sœur accompagnée d’une amie : elles ont été volontaires à Jérusalem il y a deux ans et sont revenues passer deux semaines. Finalement elles sont restées dîner ! En plus, les Frères avaient invité M. Saliba, le directeur du secondaire du Collège, dont c’était l’anniversaire le lendemain. Ce fut donc un repas très sympa. Au dessert, il y avait un énorme forêt-noire (qui 48 heures plus tard, n’est toujours pas fini !) et du “champagne catalan” (sic). Pour une fois, Baptiste a pris un fond de champagne et j’ai compris pourquoi, il ne prend pas d’alcool habituellement. Il était tout joyeux (rassurez-vous, pas ivre ! mais il avait le rire facile).
Mardi, normal.
Mercredi matin, j’ai vu Anthony à propos de mon chapitre 2. C’est à la fois encourageant et décourageant. Encourageant, parce que le travail que j’ai fait tient la route, est bon… mais décourageant parce que je vois qu’il y a encore beaucoup de travail…
Courage, ô mon âme !
Sinon, voici l’invitation pour la fête du Christ Roi à l’Ecce Homo. Les deux communautés de la maison m’ont demandé de présider la célébration eucharistique… Et il y aura monsieur le Consul général ! (même si son nom est écrit plus petit que le mien sur l'affiche) Va falloir soigner l’homélie…
À bientôt,
Étienne+

vendredi 8 novembre 2019

Que tu viennes en bonne santé, frère ! (Tb 5,14)

ὑγιαίνων ἔλθοις ἄδελφε
hugiainôn elthois adelphe

Chers amis,
Comme je le disais dans mon dernier message, j’ai accueilli mon frère et ma belle-sœur. Ils ont voyagé dans la nuit de samedi à dimanche et je les ai rejoints à la gare centrale de Jérusalem. Ils avaient pris le premier train. Tout d’abord, nous avons pris un café-croissant à la gare (bon, le croissant était local, c’est-à-dire spongieux). Puis tramway jusqu’au Collège pour déposer les bagages et leur laisser faire une petit sieste matinale pour éponger la fatigue de l’avion. Venant de Bruxelles, ils avaient pour compagnie des diamantaires anversois assez bruyants. À 9 h 30, nous sommes partis pour aller faire un tour dans la Vieille Ville. Tout d’abord, le Saint-Sépulcre, toujours bondé… La queue pour la tombe commençait à la pierre de l’onction. Puis souks, curiosités, rues, églises, vieilles dalles… Nous sommes sortis par la porte de Damas et sommes arrivés à l’heure pour la messe de l’École biblique. Roch a même fait la deuxième lecture. Cela faisait très longtemps que je n’étais pas allé à la messe du dimanche à l’ÉBAF (je pense qu’il faut remonter au 15 novembre 2015) et j’ai bien apprécié : assemblée qui chante, célébration qui ne galope pas.
Après la messe, mondanités pour saluer qui et qui… Puis nous nous sommes dirigés vers la rue Ben Yehouda pour manger un bon déjeuner : la fameuse shakshouka. Puis nous avons traversé Mea Shearim, l’emblématique quartier ultra-orthodoxe de Jérusalem. Rues étroites, balcons en verrues transformés en vérandas, les gamins en stabulation libre dans la rue… Puis nous avons récupéré la voiture que Roch et Agathe louent ces jours-ci. Retour au Collège, récupération des bagages et c’était parti pour Bethléem où ils vont crécher deux nuits. Mes amis Denis et Dorothée avaient leur avaient ouvert leur appart’.
Comme c’était dimanche soir, ils accueillaient en plus les volontaires de Bethléem. Un jeune couple qui rend service à la crèche des Sœurs de Saint-Vincent de Paul et Maylis qui est à la maternité. Cette dernière fêtait ses 24 ans ! Apéro, repas et après-repas très sympa, même si certaines oreilles médisantes ont dû siffler. On n’arrivait plus à se coucher mais j’étais un peu crevé et savait que le lendemain serait lui aussi crevant… En fait, j’ai finalement dormi sur place (l’appart est grand !) et n’ai pas entendu le muezzin.
Ce matin-là, nous avons dormi un peu plus longtemps. Nous avions prévu de “faire” Bethléem. Vers 9 heures, nous voilà partis en voiture pour aller à la Basilique. Nous passons à Bab el-Sqaq pour retrouver la rue de la Mangeoire. Je pensais que nous pourrions nous garer sur la place du même nom, mais ça n’était pas possible ! Nous avons déniché un autre parking, tenu par les Arméniens mais le temps de se rendre compte de son existence, nous l’avions dépassé… Dans ces ruelles sinueuses, impossible de faire demi-tour. Nous sommes passés sous le carmel, avons récupéré la rue Nasser, la rue Muqata’a pour arriver à Bab el-Sqaq (le Times Square de Bethléem, ne vous affolez pas !). C’était reparti pour un tour. Nous n’avons pas raté le parking cette fois-ci.
Nous avons fait le tour de la Basilique de la Nativité (deux heures de queue pour la grotte au bas mot). Puis la grotte du lait. Je pensais que nous pourrions passer chez les Petites Sœurs de Jésus mais elles étaient fermées… Emplettes chez mon ami Roni. Puis petit tour dans le souk de Bethléem, le quartier des bouchers valait le détour. Petit café ou thé à la menthe. Nous avons visité l’église syriaque qui est dans la montée.
Retour à la Basilique pour la procession de midi. Il faut arriver un peu à l’avance et attendre près de la corde en velours. Je suis allé voir le franciscain et nous nous sommes avancés. Avec nous, le groupe du P. Bonaventure avec lequel j’ai étudié au Biblique et qui est prêtre du diocèse de Moscou (même s’il est camerounais !) : une trentaine de saintpétersbourgeois. Une dame parlait français. Dans la grotte de la Nativité, ils ont prié le Notre Père en russe, les russes orthodoxes qui attendaient dans l’escalier de pouvoir vénérer l’étoile de la Nativité ont fait une drôle de tête… Comme toujours, la procession a été un beau moment, recueilli et émouvant.
Puis déjeuner au restaurant The Square. J’ai pris la salade Square qui est super bonne.
Puis route vers l’Hérodion. Il y avait un monde fou. Nous avons acheté nos billets et admiré le petit film : un péplum à (pas trop) gros budget sur les funérailles d’Hérode. Musique dramatique, ralentisArrivés au sommet de la forteresse, nous avons admiré la vue. La cour intérieure était bondée de gamins en sortie scolaire. Je crois avoir compris que les enfants avaient préparé de petites interventions orales sur divers aspects du site : ils parlaient tous en même temps, aucun n’était assis et dans un coin, la maîtresse résignée et franchement débordée par les événements attendait que ça se passe. Nous avons exploré les souterrains au milieu de la marmaille tout émoustillée de la présence d’étrangers : « Where are you from ? Hi five !... » Devais-je leur avouer que j’avais mangé un curry de porc la veille au soir ? En sortant des souterrains, petite déception : le théâtre et la tombe présumée d’Hérode ne sont pas accessibles au public contrairement à la dernière fois que j’y suis allé.
2 qui bossent, 11 qui regardent... Qui dit mieux ?
Passage au champ des bergers. Ce fut l’occasion d’une scène drôlissime : pour créer un sens unique que les gens respecteront, une équipe posait une herse anti-recul. Un type se démenait pour la fixer sous le regard intéressé et engagé de tout un groupe. Cela créait l’événement.
Ensuite, nous sommes allés voir l’icône de Marie qui fait tomber les murs. Roch m’a laissé à proximité du check-point 300. Une horde d’hommes rentrait en Palestine après la journée de travail et courait de ci, de là pour rejoindre les taxis collectifs qui les ramèneraient vers leur domicile. Je m’engage dans le check-point et sors mon portefeuille pour trouver mon passeport… Et là, sueur froide… La veille, j’avais bien pris mon portefeuille dans mon tiroir mais j’y avais laissé mon passeport… Sésame indispensable pour franchir le check-point. Je commençais à imaginer le micmac pour récupérer le passeport au Collège, etc. Finalement, je me présente au contrôle, dans cet immense hangar vide et je fais celui qui se rend compte qu’il n’a pas son passeport… Le gars dans sa guérite, me regarde l’air blasé et fait signe à un autre qui vient me demander d’où je viens. « Je suis français, mais j’habite à Jérusalem »… Il a ouvert la barrière. Merci Seigneur !  Je me suis dirigé vers la sortie qui m’a parue bien lumineuse.
Mardi, grosse journée ! Le Frère Daoud m’a emmené le matin et m’a déposé à Bethléem où j’ai retrouvé Roch et Agathe. Nous avons quitté la ville sainte peu après sept heures en direction du sud. Nous avons contourné Hébron et continué. Le paysage de Cisjordanie était magnifique avec quelques couleurs d’automne. Puis nous sommes descendus vers Tel Arad, puis la mer Morte.
Après deux heures de route, nous arrivons à Massada. Pas le courage de monter à pied en suivant le sentier du Serpent. Le téléphérique vient à point. Nous faisons le tour du site. En 2007, avec le groupe de NDV dont Roch faisait partie, nous n’avions pas pris le temps de voir le palais d’Hérode (s’il y a bien quelque chose à voir à Massada, c’est bien le palais d’Hérode !). Nous descendons pour aller vers Ein Boqeq pour tester la baignade dans la mer Morte. Agathe se réjouit d’arriver à faire la planche ! Nous déjeunons après un apéro improvisé à la Taybeh. Nous avons testé le McDo le plus bas de la terre. Le Big Mac sans fromage… très bof !
Puis Ein Gedi, nous montons jusqu’à la cascade de David. Nous avons vu quelques ibex et un daman malgré les hordes de gamins sans bride qui arpentaient le site. Je suis estomaqué de l’attitude des enfants (ados compris). Puis nous continuons vers Qumrân, que nous visitons. Nous avons droit au film qui donne envie de vomir (les deux premières minutes sont une sorte de grand huit au-dessus du désert de Judée avec des effets panoramiques qui donneraient la nausée à un vieux loup de mer). Puis nous faisons le tour du site… En allant sur la terrasse voir la grotte 4, j’entends derrière moi : « Père Étienne, quelle surprise ! » Je me retourne pour apercevoir Jacqueline, une paroissienne de Saint-Didier qui est en voyage avec quelques amis ! Ça alors !
Puis nous reprenons la voiture et faisons une brève halte à Nebi Musa. Cela faisait un petit moment que je n’y suis pas allé, les travaux sont finis, c’est magnifique. Surtout avec la lumière du soir. Encore un peu de voiture pour rentrer à Jérusalem, installer Roch et Agathe chez Cathy qui les loge. Le soir, je n’ai pas fait long feu !
Mercredi matin, je suis à la bibliothèque, j’ai cours de 10 h à 11 h 15 avec Anthony mon directeur. Le cours est intitulé Advanced Tools for New Testament Research. Nous sommes six étudiants. J’ai un peu de mal avec l’accent américain d’Anthony puis je m’y habitue. En fait, ce cours m’a fait rater la visite officielle du nouveau consul général de France au Saint-Sépulcre et son entrée solennelle à Sainte-Anne. J'ai ouï dire que le Te Deum à Sainte-Anne avait été particulièrement foireux puisque le ton utilisé sortait de l'ordinaire. Roch et Agathe y étaient et ont rencontré à peu près tous mes amis. Je les ai rejoints après le déjeuner au Collège. Avec Denis, Dorothée, Guillaume, Claire-Marie et Maylis, ils voulaient aller déjeuner à l’hospice autrichien, mais tous les Français avaient eu la même idée et ils se sont repliés sur l’hospice arménien. Finalement, nous avons fait une après-midi hiérosolymitaine, avec quelques bâtiments mamelouks, le petit mur occidental, le cardo, le Cénacle, la Tombe de David, la Dormition, Saint-Pierre-en-Gallicante, les remparts de Jérusalem, la porte de Jaffa, la galerie marchande de Mamilla. Nous nous sommes séparés à cet endroit et avec Roch et Agathe, nous avons passé un bon moment à la terrasse du Dublin’s (un bar à bière). J’ai choisi une Weihenstephan (pouvais-je faire un autre choix ?)
Saint Antoine protecteur
des voyageurs
Messe au Collège, à laquelle Roch et Agathe se sont joints puis dîner chez Cathy leur logeuse. Ce fut – comme toujours – très sympathique. Elle avait aussi fait signe à Alain, un prêtre de Versailles doctorant à l’ÉBAF.
Jeudi, j’ai croisé Roch et Agathe alors que j’allais faire une course… Ils sont allés passer la journée à Jaffa et Tel Aviv. Moi, je suis resté à la maison pour travailler mais j’ai aussi pris un peu de temps pour admirer l’expo 500 ans après Léonard de Vinci, à la Custodie. Il s’agissait de livres anciens de la bibliothèque des Franciscains abordant des thèmes très léonardiens : architecture, anatomie, botanique, science, géométrie… Le soir, Roch et Agathe sont venus à la messe puis dîner chez les Frères. Puis nous avons fait un beau tour près du Consulat, King David, Yemin Moshe.
Aujourd’hui, messe matinale à l’Ecce Homo, puis je retrouve Roch et Agathe après leur petit-déjeuner. Ils sont allés matinalement au Saint-Sépulcre et ont pu entrer dans la tombe ! Finalement, nous choisissons de visiter la Tour de David dont le musée est vraiment bien fait. Petit tour au CIC, puis à la supérette de la rue Saint-François pour acheter du pain : du pain du pays de Jésus pour les trois garnements de Roch et Agathe.
Nous remontons au Collège, précautions, eau… Et le sherout vient les chercher à 11 h 40. À bientôt…
L’après-midi, une grosse sieste et un peu de travail sur la bibliographie. Quel mescladis ! Je croyais avoir fait les choses proprement, il y a du nettoyage à faire !
À bientôt,
Étienne+

samedi 2 novembre 2019

Le fruit du juste, un arbre de vie (Pr 11,30)

פְּרִי־צַדִּיק עֵץ חַיִּים
pərî-ṣaddîq ʿeṣ ḥayyîm

Chers amis,
Mercredi et jeudi ont été épuisants. Côté travail, je pataugeais dans la choucroute… et en plus, il y avait une activité tous les soirs à 18 h à l’ÉBAF : mardi, il y avait la leçon publique de Cristobal, mercredi celle de José Rafael sur le tout début de l’Évangile selon saint Marc et jeudi une conférence de Christophe Rico sur le thème de l’Arbre de Vie.
La leçon de José Rafael était intéressante autour des questions relatives au culte impérial et comment l’évangile selon saint Marc se situe dans ce contexte.
La conférence de jeudi, j’étais tellement crevé que j’ai franchement hésité à y assister mais le thème exigeait ma présence : l’arbre de vie est mentionné à quatre reprises dans l’Apocalypse et notamment dans une des béatitudes que j’étudie.
Je nai pas regretté car la conférence était passionnante. Au début, j’ai pris quelques notes et dix minutes plus tard, j’ai arrêté pour écouter plus attentivement. Quand je prends des notes, je prends des notes, je n’assimile pas nécessairement… Christophe Rico parle latin et grec ancien comme vous le français (peut-être même mieux…) et son intervention était brillantissime. Il a montré comment ce thème apparaît à des endroits cruciaux de tout le corpus biblique. Quand la vidéo sera présente sur la chaîne Youtube de l’ÉBAF, je mettrai le lien.

À cause de ma fatigue, je me suis couché bien tôt.
Vendredi, solennité de la Toussaint. Laurence et Laurent-Pierre m’ont amené à Abu Gosh, leur fille Marie était là. Elle a passé le bac en juin et étudie en France cette année. Belle messe de la Toussaint, dans cette église. Il y avait un groupe du Bénin, ainsi qu’un groupe de quatre jeunes foyers marseillais, cornaqué par un dominicain. Parmi eux, Damien et Flore, amis de mes petites sœurs ! Quand j’avais vu les parents de Damien à un mariage à Marseille cet été, ils m’avaient informé du projet de voyage. Je n’étais donc pas complètement surpris. Apéritif puis déjeuner avec les moines. Nous étions nombreux puisque tous les frères étaient là, plus quelques hôtes. Le lendemain, arrivait au monastère l’abbé général de la congrégation bénédictine de Montolivet en visite canonique pour étudier les décisions à prendre à la suite du rappel à Dieu en juillet dernier du P. abbé Charles. Si vous ne savez pas pour quelle intention prier, je vous pose celle-ci sur cette page. J’ai senti une très légère tension dans la communauté.
Merci Seigneur d’avoir inventé le magret de canard ! et la tarte au flan… Après la vaisselle et le café, j’ai filé pour attraper le dernier bus prévu à 14h35. Ouf, il passait bien. Comme nous étions vendredi, veille de shabbat, les bus s’arrêtent de circuler en tout début d’après-midi. À 15 h, j’étais à la gare centrale et je suis rentré à pied en descendant la rue de Jaffa. J’ai même eu le temps d’acheter des amandes à Maḥane Yehuda avant que le marchand ne baisse son rideau de fer. Les boulangers bradaient leur marchandise qui ne tiendrait pas jusqu’à dimanche matin.
Ensuite, j’ai un peu travaillé dans ma piaule, j’ai pris une bière avec le P. Alain, un prêtre de Versailles qui fait une thèse sur l’évangile selon saint Matthieu. Il enseigne au séminaire de Versailles et quelques-uns de ses étudiants passent ensuite entre mes mains au Studium de Notre-Dame de Vie. Cela nous a permis d’échanger sur nos pratiques, nos projets de recherches, et le reste.
Aujourd’hui, messe matinale à l’Ecce Homo. Normalement, j’y vais le vendredi, mais j’avais envie de profiter de la Toussaint pour aller à Abu Gosh. Je leur ai donc proposé de célébrer la messe le lendemain pour les défunts. Retour à la maison, deux heures de lecture et je suis allé ensuite à l’ÉBAF rencontrer Anthony mon directeur. Je lui ai parlé de mes difficultés du moment et nous avons ensuite relu mon chapitre 1. Il y a du boulot !
Re-messe à l’ÉBAF suivie d’une procession avec bénédiction des tombes dans le jardin. Un antique hypogée a été réaménagé en caveau pour les dominicains. Y reposent quelques grands noms de l’École : Abel, Vincent, Langlamet, Benoît, de Vaux, Boismard (je tenais particulièrement à prier sur sa tombe puisque je travaille un peu ses écrits pour ma thèse, puisqu’il est le traducteur de l’Apocalypse dans la Bible de Jérusalem).
Je suis donc arrivé en retard au déjeuner au Collège. Sieste, lecture, trois heures de marche dans la ville : 18 km.
Retour à la maison, Vêpres, dîner, lessive, rédaction du billet…
Demain, arrivent Roch et Agathe, mon frère et ma belle-sœur pour cinq jours…
À bientôt,
Étienne+