mardi 20 août 2019

De chez Caïphe (Jn 18,28)

ἀπὸ τοῦ Καϊάφα
apo tou Kaïapha

Chers amis,
Bientôt une semaine que je ne vous ai pas écrit… Ma vie d’étudiant est calme… Mais il est vrai que cette semaine enfin, la bibliothèque sera ouverte sans interruption. Mes premières semaines ont toutes deux connu un jeudi de fermeture : pour la Saint-Dominique et l’Assomption. Départ en douceur, donc et maintenant, rythme de croisière.
Samedi, je suis allé me promener dans l’après-midi, j’ai suivi la voie du tramway puis j’ai baguenaudé. J’ai eu de la chance. Vendredi il a fait bien chaud (35° C) mais samedi la température avait bien descendu.
Dimanche, je suis allé à la messe à la paroisse. Un franciscain croate a célébré la messe en arabe. L’ancien curé est déjà parti et le nouveau n’arrivera que dimanche prochain. Et le diacre Firaz est venu “diaconer” depuis le patriarcat latin où il exerce sa nouvelle mission, secrétaire de l’administrateur apostolique. La messe est annoncée sur le site Internet comme high mass, j’imagine que cela signifie “grand messe”. Mais elle n’a pas été longue. Et surtout, les chants étaient horribles : on ne peut pas imaginer qu’il soit possible de chanter aussi faux…
L’ossuaire “de Caïphe” au Musée d’Israël
L’après-midi, je me suis encore promené. J’avais projeté d’aller à la découverte de la “tombe de Caïphe”. En 1990, lors de travaux pour l’aménagement d’un parc, on a mis au jour une petite tombe, dans le style des tombes juives du premier siècle de notre ère : une cavité creusée dans le rocher avec quelques kokhim (כוכים, en hébreu fours) une sorte de petit tunnel en cul-de-sac, dans lequel on plaçait les ossuaires. À l’époque de Jésus, les tombes revenaient assez cher (il fallait creuser le rocher !) et on optimisait l’espace. Toute la famille partageait la tombe (dans cette tombe, assez petite, on a retrouvé les restes de 63 personnes). Lorsqu’un membre de la famille mourait, on le déposait sur une banquette et on attendait une année. Au bout de ce temps, il ne restait plus que les os que l’on rassemblait dans un ossuaire, une grosse boîte en calcaire tendre que l’on décorait plus ou moins en fonction des moyens du commanditaire. Parfois, on inscrivait le nom du défunt. Vu la qualité des inscriptions, ça n’était pas pour se souvenir des noms : la plupart du temps les inscriptions ne sont lisibles que par des spécialistes d’épigraphie (la science des inscriptions). La taille d'un ossuaire permet d'estimer la taille du mort à l'intérieur : la diagonale intérieure du coffret correspond à la longueur du fémur (l'os le plus long du corps humain). On n'allait pas s'énerver à faire un ossuaire plus grand que nécessaire. Comme vous pouvez le voir sur la photo, l'ossuaire “de Caïphe” est très orné. Des ossuaires, on en trouve à la pelle dans les musées archéologiques, les magasins d'antiquité et les tombes encore à découvrir dans la région.
Dans la tombe de Caïphe, on a retrouvé plusieurs ossuaires, dont un portant l’inscription jhwsp br qyp’. Les archéologues ont compris cette inscription comme Joseph fils de Caïphe. Et le lien s’est fait avec le personnage évangélique que l’on connaît dans les Antiquités Judaïques sous le nom “Joseph, appelé aussi Caïphe”.
Le lieu a donc été dénommé, « tombe de la famille de Caïphe ». Même si les spécialistes ne sont pas d'accord sur l'attribution à ce personnage illustre : la tombe est assez petite et humble pour une famille si importante que celle du grand prêtre. J’ai retrouvé sans difficulté le lieu, dans un parc nommé “Forêt de la Paix”, ce qui était le no man’s land entre Israël et la Jordanie de 1949 à 1967.
La pyramide à côté de laquelle se situait la tombe
C’est à un carrefour, mais on ne voit absolument aucun vestige. Je pense que les travaux de voirie ont réduit à néant les restes de la tombe (elle avait déjà était bien endommagé lorsque les ouvriers sont littéralement “tombés” dedans, et pas dessus). Le site est aménagé avec des murets qui serpentent : les gens peuvent aller y pique-niquer. Ah, le pique-nique dans le pays ! Quelle institution !
Pour vous, un pique-nique, c’est un sandwich au pâté, un paquet de chips, un kiri et une pomme. En terre sainte, pas de vrai pique-nique sans grillades ! Sinon, on a l’impression de ne pas avoir mangé. Les gens apportent un petit barbecue portable, souvent fait maison, le charbon de bois et on fait griller les brochettes d’agneau et de poulet. Surprise pour le Français que je suis de voir que l’on peut faire du feu à peu près là où on veut, dans ce pays où il n’a pas plu depuis le 21 avril (dimanche de Pâques). Quand on part pique-niquer, ne soyons pas chiches, place à l’abondance de viandes. On fait aussi griller des poivrons et des oignons (quand je dis griller, c’est plutôt carboniser). 
On mange le tout dans des assiettes en plastique (ça n’est pas encore interdit par ici. En plus, c’est beaucoup plus simple pour gérer les règles de kashrout) et une fois qu’on a fini, on s’en va en remportant le barbecue artisanal (mais on laisse tout le reste en tas : reliefs du festin et vaisselle en plastique). Je suis estomaqué de voir la saleté des parcs dans le pays (quel que soit le côté où l’on se trouve). 
En fait, en Orient, la notion d’espace public n’existe pas (ou alors, c’est pas la même). Les gens ont leur chez eux, qu’ils tiennent propre et soigné. Une fois dehors, on s’en fiche, on laisse les choses sales, traîner. Y aura bien quelqu’un pour nettoyer… ou pas !
Après j’ai continué mon tour et j’ai traversé le parc Teddy, qui était blindé de familles juives, observants ou non. J’ai essayé de me renseigner sur la raison de cette foule mais je n’ai rien eu de concluant. Normalement, la fête de ce moment c’est tou beav, mais qui tombait le vendredi et non pas le dimanche. Enfin, le lendemain, le parc ne devait pas être beau à voir avec tous les restes de pique-nique…
Lundi à midi, nous avons eu la bonne surprise de la compagnie du Frère Jean. Né à Beersheva en 1932, il est d’une famille palestinienne de Jérusalem. C’est un homme délicieux, délicat, qui parle un joli français et donc la conversation est toujours bienveillante, drôle et captivante. C’était aussi la fête de la Transfiguration dans le calendrier julien (des chrétiens d’Orient). Ce fut l’occasion pour Frère Jean et Suzanne, la cuisinière d’évoquer un proverbe arabe : « À la Transfiguration (tajali), on dit "va-t'en !" à l’été ».
Ce mardi, RAS…
À bientôt,
Étienne+

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