Chers tous,
Notre voyage en Jordanie continue… La dernière fois, j’ai traité les trois premiers jours de notre périple et il est vrai que le Wadi Ramm (on m’a demandé de corriger ma transcription fautive Rum qui est celle de l’anglais) et Petra regorgent de beautés, mais la fin de notre raid n’a pas été moins riche.
Samedi, nous nous sommes réveillés à Madaba. Nous sommes partis vers 7h00 en direction du Mont Nébo situé à 8km de là. La tradition a lié ce lieu à la mort de Moïse (cf. Dt 34) lorsque Dieu a fait voir au patriarche l’immensité de la Terre Promise. Depuis Madaba, on ne monte pas vraiment mais le Mont forme un promontoire qui s’avance pour dominer la dépression du Jourdain et la Mer Morte. On se situe à cet endroit face à Jéricho. Et honnêtement, quand on est sur place, le texte biblique est à peine exagéré : c’est époustouflant !!! On voyait Jérusalem, Hébron, l’Hérodium, Naplouse. Comme nous sommes arrivés tôt le matin, le soleil éclairait tout cela sans la mauvaise brume qui monte dans la journée. Dans la vallée, on discernait sans peine Jéricho, Qumran…Au sommet, les Byzantins ont construit dès le début du 4° siècle un monastère, que la pèlerine Égérie visite en 381. Les franciscains ont racheté et fouillé le terrain dans les années 30. Au dessus des ruines de l’église (les mosaïques sont magnifiques !) ils ont installé un toit en tôle ondulée. Dans les ruines du monastère, une grande croix / serpent moderne évoque le serpent de bronze de Nb 21.
Après la visite, nous avons célébré la messe. J’ai eu la grâce de présider. Merci à Élisabeth pour la photo ! Ensuite, passage rapide au petit musée pour voir la réplique de la stèle de Mésha, roi de Moab au 9° siècle av. J.-C. Cette stèle m’avait valu un carton mémorable à l’examen d’histoire de l’Ancien Testament l’année dernière. J’en étais venu à regretter que les ouvriers qui la mirent à jour n’aient pas réussi à la réduire définitivement en morceaux avant le relevé de l’inscription. Enfin, toujours est-il que cette stèle est importante parce que le roi Mésha a inscrit sa victoire sur les Israélites sur la stèle afin que personne ne l’oubliât. L’original est au Louvre et, au petit musée, il n’y avait qu’un dessin de la stèle…
Puis retour à Madaba pour voir la carte-mosaïque de l’église Saint-Georges. La mosaïque a été découverte au moment de l’installation des chrétiens sur ce lieu abandonné depuis des siècles dans les années 1880. Les chrétiens pouvaient construire d’église seulement sur les lieux où des églises avaient déjà été construites. Les orthodoxes ont trouvé la mosaïque sur le sol d’une des églises mais ont tout de même construit leur église dessus sans se soucier de conserver l’œuvre. Les vestiges actuels ont été sauvé parce qu’ils n’avaient pas assez d’argent pour tout enlever. Entre temps, la nouvelle de la découverte de cette mosaïque s’est ébruitée et les franciscains et les dominicains ont réussi à sauver ce qui était promis à la destruction. Cependant, alors que des témoins attestent qu’à sa découverte la mosaïque était presque complète, il n’en reste que quelques fragments, qui se révèlent très éloquents.
La carte a été faite dans les années 560 par les artistes de la région réputés pour leur savoir-faire. C’est une carte assez précise de la Terre Sainte, de la Syrie à l’Égypte. Les lieux sont nommés et un petit dessin accompagne souvent : dessin de la ville, croquis évoquant un épisode biblique, animaux sauvages. Humour du mosaïste qui montre les poissons dans le Jourdain : l’un d’entre eux descend vers la Mer Morte, mais le second vient à sa rencontre pour fuir la salinité de la “Mer du Sel” !!!
Jérusalem est représentée assez précisément et les archéologues s’échinent à identifier chacun des bâtiments représentés. En tout cas, les rues bordées de colonnes existent encore de nos jours !
Puis le bus nous a menés jusqu’au bord du Jourdain. Nous avons visité le site baptismal retrouvé en 1995 sur la rive jordanienne du Jourdain. C’est le fameux “Béthanie au-delà du Jourdain” dont parle saint Jean en 1, 28 et 10, 40. Archéologiquement et exégétiquement, il n’est pas sûr que ce site soit celui où Jésus a été baptisé par Jean, mais il est assuré que c’est là que les premiers chrétiens faisaient mémoire de l’événement. C’est aussi là où le prophète Élie a passé du temps au désert (1Rois 17) est monté au ciel sur un char de feu (2Rois 2). Donc on voit bien le lien que la tradition a fait entre Élie et Jean-Baptiste.
Comme le site est sur la rive du Jourdain, fleuve qui marque la frontière entre la Jordanie et le territoire palestinien encore occupé par Israël, il faut traverser une zone militaire déminée. On a vu les vestiges des églises construites là dans les premiers siècles et dont nous connaissions l’existence par Eusèbe de Césarée, le Pèlerin de Bordeaux (333), l’Anonyme de Plaisance (570). Puis on a prié sur le bord du Jourdain. La chaleur était étouffante et le soleil enragé. Sur la photo, c'est moi !
Le site a été donné par le roi de Jordanie aux chrétiens. Les orthodoxes ont construit une chapelle aux dômes dorés (financée par Poutine) et un monastère est en cours de construction. Les catholiques sont prêts à construire leur église mais il manque une communauté religieuse pour animer le site : le climat n’est pas nécessairement des plus cléments. Malgré tout, le lieu est très émouvant et évocateur.
Encore deux heures de bus avant d’arriver à Jérash, la Gérasa de la fameuse Décapole (cf. Mc 5, 1). C’est une cité immense, la “Ville aux 1000 colonnes”. Il doit bien y en avoir plus de 1000 mais l’impression à l’arrivée est saisissante : depuis la “Place ovale” considérée comme le forum de la ville part le Cardo Maximus qui mesure plus de 800 mètres et est bordé de colonnes. La plupart ont été relevées mais certaines tiennent debout depuis 2000 ans.
Plusieurs portes monumentales rythment le site. Gabriel Humbert, frère de Jean-Baptiste qui est prof à l’École Biblique, nous a fait visiter les lieux où il vit depuis près de 30 ans. Il nous a montré les vestiges du temple hellénistique de Zeus démonté et remplacé par un autre typiquement romain (restauré par le Louvre). Passionnant, car s’il n’est pas archéologue, il a tout lu sur Jérash et sa facilité de parole fait le reste.
Au moment où nous nous engagions sur le Cardo, quelques enfants arabes s’approchent pour nous vendre des cartes postales et d’autres babioles. Évidemment, ils connaissent Gabriel qui les accueille en disant : « Sales gosses ! » et les enfants de répondre en levant la main comme pour saluer : « Mouche à merde ! ». Difficile de ne pas rire…Jérash est immense et tenter de résumer est voué à l’échec. Mais nous avons vu des temples, un nymphée, des escaliers monumentaux, des églises byzantines, le temple d’Artémis avec sa colonne tremblante (on glisse la main sous la base de la colonne et on sent le balancement lent de la colonne), deux théâtres, un hippodrome qui semble n’avoir jamais été achevé (maintenant on y fait du Ben-Hur) et surtout la première scie circulaire hydraulique connue (la seconde date du 12° siècle en Allemagne du Nord). On a passé près de trois heures avec Gabriel et on ne s’est pas ennuyé un instant.
On a rejoint notre hôtel. J’oubliais notre passager clandestin de la journée… Un type de la police secrète nous a suivi. C’est le second pouvoir dans le pays après celui du roi et avant le gouvernement. Le pays est assez “fliqué” mais on ne sent pas de tension particulière comme à Jérusalem.
A l’hôtel, on profité de la piscine mais dans ces pays musulmans, on est très prudes et les piscines sont cachées derrière de hauts murs. Du coup, elles ne sont jamais chauffées par le soleil et restent plus que fraîches. Mais la nuit fut bonne et on a fait la grasse matinée.
Pour ce dernier jour, nous sommes allés à Umm-Qays, la Gadara de la Décapole (cf. Mt 8, 28). Le site est bâti sur un promontoire qui domine le lac de Tibériade et le défilé du Yarmouk qui marque la frontière entre la Jordanie et le plateau du Golan syrien annexé par Israël. La ville a été peu fouillée, pâtissant de la proximité avec la splendide Jérash où tout le monde veut fouiller. On a tout le matériel habituel : rues, temples, églises byzantines, théâtres, nymphée… Au fond du site, près d’une ancienne église, nous avons célébré la messe. À ce moment, le temps a tourné. Le khamsin s’est levé, ainsi que la chaleur. Sur les photos, vous voyez le même endroit (l'église à terrasse) avant et après... Repas au resto du site. Puis bus jusqu’à la frontière israélo-jordanienne de Beth-Shéan. Il a fallu patienter pour que tout le groupe passe. Mais à 18h00, nous étions à la maison. Le soir, nous avons voulu réviser nos classiques et voir Indiana Jones et la dernière croisade. Mais j’ai été terrassé par la vengeance de Toutankhamon. Je suis vite allé me coucher. Je pense que c’est la bouteille d’eau que j’ai acheté à la va-vite à la sortie de Umm-Qays.
J’ai passé un lundi un peu vaseux. Mais un régime à base de petit pois, riz et yaourt m’a remis sur pied.
Nous sommes revenus enchantés de ces cinq jours inoubliables ! Souvenirs, images, rires, temps de prières, on s’est régalés. À refaire !
A bientôt,
Étienne+
Puis retour à Madaba pour voir la carte-mosaïque de l’église Saint-Georges. La mosaïque a été découverte au moment de l’installation des chrétiens sur ce lieu abandonné depuis des siècles dans les années 1880. Les chrétiens pouvaient construire d’église seulement sur les lieux où des églises avaient déjà été construites. Les orthodoxes ont trouvé la mosaïque sur le sol d’une des églises mais ont tout de même construit leur église dessus sans se soucier de conserver l’œuvre. Les vestiges actuels ont été sauvé parce qu’ils n’avaient pas assez d’argent pour tout enlever. Entre temps, la nouvelle de la découverte de cette mosaïque s’est ébruitée et les franciscains et les dominicains ont réussi à sauver ce qui était promis à la destruction. Cependant, alors que des témoins attestent qu’à sa découverte la mosaïque était presque complète, il n’en reste que quelques fragments, qui se révèlent très éloquents.
La carte a été faite dans les années 560 par les artistes de la région réputés pour leur savoir-faire. C’est une carte assez précise de la Terre Sainte, de la Syrie à l’Égypte. Les lieux sont nommés et un petit dessin accompagne souvent : dessin de la ville, croquis évoquant un épisode biblique, animaux sauvages. Humour du mosaïste qui montre les poissons dans le Jourdain : l’un d’entre eux descend vers la Mer Morte, mais le second vient à sa rencontre pour fuir la salinité de la “Mer du Sel” !!!
Jérusalem est représentée assez précisément et les archéologues s’échinent à identifier chacun des bâtiments représentés. En tout cas, les rues bordées de colonnes existent encore de nos jours !
Puis le bus nous a menés jusqu’au bord du Jourdain. Nous avons visité le site baptismal retrouvé en 1995 sur la rive jordanienne du Jourdain. C’est le fameux “Béthanie au-delà du Jourdain” dont parle saint Jean en 1, 28 et 10, 40. Archéologiquement et exégétiquement, il n’est pas sûr que ce site soit celui où Jésus a été baptisé par Jean, mais il est assuré que c’est là que les premiers chrétiens faisaient mémoire de l’événement. C’est aussi là où le prophète Élie a passé du temps au désert (1Rois 17) est monté au ciel sur un char de feu (2Rois 2). Donc on voit bien le lien que la tradition a fait entre Élie et Jean-Baptiste.
Comme le site est sur la rive du Jourdain, fleuve qui marque la frontière entre la Jordanie et le territoire palestinien encore occupé par Israël, il faut traverser une zone militaire déminée. On a vu les vestiges des églises construites là dans les premiers siècles et dont nous connaissions l’existence par Eusèbe de Césarée, le Pèlerin de Bordeaux (333), l’Anonyme de Plaisance (570). Puis on a prié sur le bord du Jourdain. La chaleur était étouffante et le soleil enragé. Sur la photo, c'est moi !
Le site a été donné par le roi de Jordanie aux chrétiens. Les orthodoxes ont construit une chapelle aux dômes dorés (financée par Poutine) et un monastère est en cours de construction. Les catholiques sont prêts à construire leur église mais il manque une communauté religieuse pour animer le site : le climat n’est pas nécessairement des plus cléments. Malgré tout, le lieu est très émouvant et évocateur.
Encore deux heures de bus avant d’arriver à Jérash, la Gérasa de la fameuse Décapole (cf. Mc 5, 1). C’est une cité immense, la “Ville aux 1000 colonnes”. Il doit bien y en avoir plus de 1000 mais l’impression à l’arrivée est saisissante : depuis la “Place ovale” considérée comme le forum de la ville part le Cardo Maximus qui mesure plus de 800 mètres et est bordé de colonnes. La plupart ont été relevées mais certaines tiennent debout depuis 2000 ans.
Plusieurs portes monumentales rythment le site. Gabriel Humbert, frère de Jean-Baptiste qui est prof à l’École Biblique, nous a fait visiter les lieux où il vit depuis près de 30 ans. Il nous a montré les vestiges du temple hellénistique de Zeus démonté et remplacé par un autre typiquement romain (restauré par le Louvre). Passionnant, car s’il n’est pas archéologue, il a tout lu sur Jérash et sa facilité de parole fait le reste.
Au moment où nous nous engagions sur le Cardo, quelques enfants arabes s’approchent pour nous vendre des cartes postales et d’autres babioles. Évidemment, ils connaissent Gabriel qui les accueille en disant : « Sales gosses ! » et les enfants de répondre en levant la main comme pour saluer : « Mouche à merde ! ». Difficile de ne pas rire…Jérash est immense et tenter de résumer est voué à l’échec. Mais nous avons vu des temples, un nymphée, des escaliers monumentaux, des églises byzantines, le temple d’Artémis avec sa colonne tremblante (on glisse la main sous la base de la colonne et on sent le balancement lent de la colonne), deux théâtres, un hippodrome qui semble n’avoir jamais été achevé (maintenant on y fait du Ben-Hur) et surtout la première scie circulaire hydraulique connue (la seconde date du 12° siècle en Allemagne du Nord). On a passé près de trois heures avec Gabriel et on ne s’est pas ennuyé un instant.
On a rejoint notre hôtel. J’oubliais notre passager clandestin de la journée… Un type de la police secrète nous a suivi. C’est le second pouvoir dans le pays après celui du roi et avant le gouvernement. Le pays est assez “fliqué” mais on ne sent pas de tension particulière comme à Jérusalem.
A l’hôtel, on profité de la piscine mais dans ces pays musulmans, on est très prudes et les piscines sont cachées derrière de hauts murs. Du coup, elles ne sont jamais chauffées par le soleil et restent plus que fraîches. Mais la nuit fut bonne et on a fait la grasse matinée.
Pour ce dernier jour, nous sommes allés à Umm-Qays, la Gadara de la Décapole (cf. Mt 8, 28). Le site est bâti sur un promontoire qui domine le lac de Tibériade et le défilé du Yarmouk qui marque la frontière entre la Jordanie et le plateau du Golan syrien annexé par Israël. La ville a été peu fouillée, pâtissant de la proximité avec la splendide Jérash où tout le monde veut fouiller. On a tout le matériel habituel : rues, temples, églises byzantines, théâtres, nymphée… Au fond du site, près d’une ancienne église, nous avons célébré la messe. À ce moment, le temps a tourné. Le khamsin s’est levé, ainsi que la chaleur. Sur les photos, vous voyez le même endroit (l'église à terrasse) avant et après... Repas au resto du site. Puis bus jusqu’à la frontière israélo-jordanienne de Beth-Shéan. Il a fallu patienter pour que tout le groupe passe. Mais à 18h00, nous étions à la maison. Le soir, nous avons voulu réviser nos classiques et voir Indiana Jones et la dernière croisade. Mais j’ai été terrassé par la vengeance de Toutankhamon. Je suis vite allé me coucher. Je pense que c’est la bouteille d’eau que j’ai acheté à la va-vite à la sortie de Umm-Qays.
J’ai passé un lundi un peu vaseux. Mais un régime à base de petit pois, riz et yaourt m’a remis sur pied.
Nous sommes revenus enchantés de ces cinq jours inoubliables ! Souvenirs, images, rires, temps de prières, on s’est régalés. À refaire !
A bientôt,
Étienne+