dimanche 13 novembre 2016

Élie monta vers le sommet du Carmel (1R 18,42)

(1R 18,42)

Chers amis,
Jeudi, vendredi, samedi, je pense que vous savez ce que j’ai pu faire…
Samedi après-midi, je suis allé faire un tour au marché de Noël du centre culturel français Chateaubriand (côté est, palestinien). Il y avait des tas d’objets typiques faits, pour la plupart, dans les territoires palestiniens. J’ai pu acheter quelque chose pour offrir à Noël… surprise dans quelques semaines pour l’heureux(se) élu(e).
Comme il me restait du temps, je me suis dit que je pourrais aller faire un tour dans le souk… En ce moment, il y a beaucoup de pèlerins et les rues sont bondées. Et au milieu de cette foule, je tombe sur des Avignonnais que je connais un peu… Ils étaient en pèlerinage, du coup, j’ai passé un petit moment avec eux : passage chez les Petites Sœurs de Jésus, à la 6ème station du Chemin de Croix, puis au Mur des Lamentations avant de prendre un jus de fruit frais dans la rue David.
Sympa de tomber sur des gens connus qui attendent avec impatience la béatification de la semaine prochaine.
Ce dimanche, messe matinale avec Marie des Neiges au Collège avant un petit déjeuner. Puis nous descendons à la Porte de Damas, où Marius (archéologue, étudiant de l’ÉBAF l’année dernière) et Corinne sa maman nous rejoignent. Michelle arrive ensuite avec sa précieuse voiture… Au printemps dernier, c’est avec Michelle et Marie des Neiges que j’étais allé à Saint-Jean d'Acre et à ‘Aïn el-Mamoudiyeh
Aujourd’hui, direction le Mont Carmel ! J'avais "manigancé" cette excursion pour pouvoir aller sur le Carmel, en une sorte de petit pélé en l'honneur du prophète Élie, patron de cette année 2016 à Notre-Dame de Vie.
Tout d’abord presque deux heures de route avant d’arriver au Wadi el-Mughara. C’est là que l’on a retrouvé, dans les années 30, les plus anciens fossiles humains dans le pays. Dans la première grotte (grotte Tabun car elle a la forme d’un four), il y a une sorte d’échelle chronologique. Les hommes ont habité cette grotte depuis l’Acheuléen (il y a 500 000 ans), à une couche plus haute (et donc plus récente) on a retrouvé un squelette d’homme de Néandertal (en fait d’une femme).
Une deuxième grotte (du chameau), un peu plus loin, avec des mannequins qui évoquent la vie des hommes préhistoriques.
Grotte el-Wad et grotte du Chameau
Une drôle de rencontre...
La troisième grotte (el-Wad) est beaucoup plus profonde, un étroit boyau qui s’enfonce sur près de 80 mètres dans la roche calcaire. On voit très bien les fossiles de coraux dans lesquels la grotte s’enfonce. Il y a un petit spectacle son et lumière avec un film. On voit les hommes de Néandertal qui vivent dans la grotte, allument le feu, taillent les pierres, partent à la chasse, cuisinent. À un moment, une panthère débarque et les hommes partent pour la chasser… Mais c’est pas toujours l’homme qui gagne… Alors ils enterrent le mort (on s’attendait à ce qu’ils le mangent…). En tout cas, ce film ne révolutionnera pas l'histoire du cinéma. Sur un site de tourisme, il était marqué que le film était ringard mais que les enfants adoraient... Les effets spéciaux et le jeu des acteurs méritaient bien un Oscar®...
Puis encore un peu de route et nous arrivons au Wadi ‘ain es-Siah… On se gare et on monte dans le vallon. À un moment, une source abondante alors que la saison des pluies n’a pas commencé. Encore un peu de chemin et nous arrivons près de quelques ruines. Il s’agit simplement, dans le fond de ce vallon qui pourrait ressembler à nos collines de Vaucluse, du tout premier monastère de carmes, fondé là, à la fin du xiie siècle ou au début du xiiie. Nous passons sous les barbelés. La chapelle est construite avec la pierre du coin, une sorte de craie blanche constellée de silex. Elle est de bonne taille. Marius, en archéologue, apprécie le plan et les pierres. Je franchis la porte de cette église avec une petite prière. Je ne sais pas si elle est sanctuaire jubilaire mais je me dis que le Bon Dieu n'est pas à ça près... Un peu en contrebas, nous descendons un escalier médiéval et admirons les vestiges d’une belle salle voûtée.
Entrée de l'église carmélitaine
Nous redescendons et voyons passer une troupe de perdrix. Retour à la voiture à qui l’on donne à manger… Puis on continue vers Haïfa, la troisième ville d’Israël (celle où l’on travaille, alors qu’à Jérusalem on prie et qu’à Tel Aviv on fait la fête). Le guide nous conseillait un resto typique dans le centre-ville. Mais on a dû arriver dans le quartier chrétien : c’est simple… Tout est fermé. Finalement, on finit par dénicher une gargotte dans laquelle on dévore (il est 14h30 bien tapée) un shawarma (une sorte de kebab). Une vieille dame me parle en français (elle a étudié chez les sœurs de Nazareth). En revanche, la ville de Haïfa n'est pas très belle. Elle est même assez sale...
Perspective des jardins baha'i
Puis nous continuons vers les jardins baha’i. Qu’es aco ?
Le bahaïsme est une religion fondée au milieu du xixe siècle en Perse. Mais le Bāb (leur prophète) a fini par être inhumé à Haïfa dans un mausolée entouré de jardins. Cette religion, forte de 5 millions de fidèles, proclame l’unité divine, l’unité de la religion et l’unité de l’humanité. Les jardins sont magnifiquement entretenus et vont du haut en bas du Mont Carmel.
Tout en haut des jardins, nous partageons quelques pâtisseries orientales (bien grasses et sucrées) et un café.
Puis il a fallu reprendre la route (2 heures bien sonnées). J’arrive à 8 heures à la maison… Repas rapide. Puis rédaction du message devant une émission de KTO sur le Père Marie-Eugène… Vite au dodo !
À bientôt, je prie pour vous.
Étienne+

mercredi 9 novembre 2016

Sept jours hors de sa tente (Lv 14,8)

(Lv 14,8)

Chers amis,
Une semaine sans message ! Non, je ne vous ai pas oublié…
Tout simplement, je n’ai pas fait grand-chose de trépidant. Jeudi, journée à la bibliothèque ; vendredi, journée à la bibliothèque ; samedi, matinée à la bibliothèque…
J’oublie tout de même le dîner à Bethléem vendredi soir, chez Denis et Dorothée. Tout le monde (ou presque !) était là. C’était très sympa mais lorsqu’on a quitté Bethléem, il était presque 1 heure du matin ! Après le dîner chez Denis et Michelle fini à 2 heures…
Mais cela ne m’a pas empêché de faire une bonne balade dans l’après-midi. Le but était de remonter la rue de Jaffa, jusqu’à la gare centrale pour pouvoir admirer et photographier les bâtiments.

La rue de Jaffa a été urbanisée à la fin du xixe siècle, lorsque les maisons sont “sorties” des limites de la Vieille Ville. Comme Jaffa était le port, la route entre Jaffa et Jérusalem était l’axe de circulation principale et par conséquent, c’est le long de cette route que les gens ont commencé à construire des maisons, des immeubles. D’abord, les communautés chrétiennes : le patriarcat arménien ainsi que la colonie russe édifiée de part et d’autre de la cathédrale russe. Actuellement, ces bâtiments sont le siège de la police et d’une prison, mais ils gardent leur architecture typique en belle pierre avec des médaillons et des inscriptions en russe.
Plus haut, c’est la zone commerciale. On voit de beaux immeubles mais on devine qu’à l’origine, il n’y avait que le rez-de-chaussée ou un seul étage. Plus tard, on a ajouté deux ou trois étages mais en essayant de conserver le style.
Ensuite, on se trouve près de Even Israel (la Pierre d’Israël), un petit quartier juif fondé ici en 1875 : maisons basses, petites placettes, venelles étroites… Ça a un charme fou mais c’est assez mal entretenu et mis en valeur…
Maison typique
Les maisons de cette époque sont construites en pierre de taille blanche ou rosée, telle qu’on en trouve à Jérusalem. Les encadrements (portes et fenêtres) sont soignés et parfois ornées de rosettes. Les maisons plus importantes ont un préau avec de belles arcades. Le must, c’est le lion assis sur les piliers du portail. Ça, ça vous pose un notable…
Plus haut, on arrive à Maḥane Yehuda (le camp de Juda), le souk juif, mais un samedi après-midi, tout est vide… Il ne faut pas râter le cadran solaire installé là par un rabbin en 1908 « pour des motifs exclusivement religieux », précise le cartel sans préciser quels motifs…
Descendu dans la rue Yosef ben Matatyahu (il s’agit en fait du nom juif de l’historien Flavius Josèphe)… Surprenant de trouver son nom sur une plaque de rue : chez les juifs, il est souvent considéré comme un traître depuis le jour où il a retourné sa veste pendant la première révolte juive. Arrivé en bas, je prends en photo un bâtiment et un juif orthodoxe me dit en hébreu quelque chose avec shabbes au milieu… Comme j’ai trois sous d’hébreu, je comprends qu’il me fait remarquer que c’est le shabbat et que la photo que j’ai prise contrevient à l’obligation du repos… C’est un ashkénaze puisqu’il prononce shabbat, à la manière des ashkénazes.
Je n’insiste pas… Je dois reconnaître avoir voulu lui dire « Shabbat Shalom », rien que pour le contrarier… Enfin.
Retour par la rue des prophètes. C’est l’occasion de voir l’Anglican School, puis le Lycée Français de Jérusalem ou encore l’entrée de l’hôpital Rothschild (c’est écrit en français !)
Hôpital italien
Passage à la cathédrale éthiopienne, à l'ambiance calme et recueillie. J'y étais allé en janvier pour la semaine de prière pour l'unité des chrétiens.
Plus loin, c'est l'hôpital italien, actuel ministère de l'éducation. L'architecte (qui a aussi commis quelques églises en Terre Sainte : Gethsémani, Dominus Flevit, Mont Tabor, Mont des Béatitudes,  Champ des bergers) s'est inspiré du palais communal de Sienne et de sa tour du Mangia.
Dernière étape de la balade, la rue ha-‘Ayin Ḥeth, dans le quartier de Musrara. Là aussi les maisons sont charmantes. Et si aujourd’hui, c’est un quartier à la fois bobo (école de photo, musée de rue, balcon orné de boules de verre) et religieux (pas moins de quatre synagogues et une école juive orthodoxe avec son vigile qui ressemble à Raspoutine).
Dimanche les frères étaient par monts et par vaux, entre Jaffa, Bethléem et Ramallah… Je suis allé à la messe à Saint-Sauveur à 9h30. Jolie messe accompagné à l’orgue mais le micro du lecteur était à fond. Quel supplice !
Puis je suis parti marcher avec un casse-croûte dans le sac. Grand tour par le parc de l’Indépendance, le parc Sacher, la Cour Suprême. J’ai déjeuné dans la roseraie Wohl… Je suis passé devant la Knesset (Parlement monocaméral d’Israël) et le Musée d’Israël. Je suis passé au Bible Lands Museum où j’ai acheté pour une bouchée de pain un livre que j’avais repéré le mercredi
Une gazelle
précédent : « L’Archéologie et les manuscrits de la Mer Morte » par le P. Roland de Vaux, op. C’est un des premiers ouvrages sur l’archéologie de Qumran, par celui qui a dirigé les fouilles. L’autre jour, je n’avais plus d’argent… Et j’ai profité de ma balade pour l’acquérir.
J’ai continué vers la vallée des gazelles. L’année dernière, j’y étais passé un samedi, c’était bondé… Là, j’étais quasiment seul et j’ai pu voir les fameuses gazelles de très près.
Puis j’ai rejoint le Stade Kollek et suivi la voie ferrée jusqu’à l’ancienne gare. J’étais bien cané en arrivant au Collège.
Lundi, journée à la bibliothèque. Soirée rammalliote mais menu mexicain à l’occasion de la semaine de la gastronomie mexicaine (faisant partie du patrimoine mondial immatériel de l’Unesco !). Nicolas et Agnès avaient invité les frères d’Abu Gosh. À la table voisine, le Représentant (≈ ambassadeur) mexicain à Ramallah avec ses invités. Dans un autre des restos du Mövenpick, il y avait le Consul général de France et au sous-sol, le Représentant indien. Il y avait donc du monde…
Mardi matin, c’était le dies academicus commun au Studium franciscain et à l’École biblique. Cela avait lieu à l’auditorium de Saint-Sauveur (en face de chez moi). Comme les Italiens ne parlent ni ne comprennent le français, on a beaucoup parlé en italien… Après les salamalecs d’usage, on a fait le panégyrique (ça y ressemblait beaucoup) d’un professeur des Franciscains qui devenait émérite. On a eu droit à sa biographie en long, en large et en travers. Je crois qu’il n’a manqué que la date de sa première dent de lait. Puis un professeur italien a fait une conférence sur « la réception de la figure et des lettres de Paul dans les premiers siècles chrétiens » (Clément de Rome, Ignace d’Antioche et jusqu’à Augustin en passant par Marcion et les gnostiques) C’était assez intéressant même si j’ai trouvé que mon italien s’est rouillé.
Il y avait une exposition intéressante sur des incunables de la fin du xve siècle appartenant à la Custodie : bibles, œuvres classiques, récits de pèlerinages…
Après-midi à la bibliothèque. Mercredi, journée à la bibliothèque.
Voilà… Dans une semaine, je suis de retour en France. Mon avion est à 8 h 00 à Tel Aviv... Arrivée vers 18 h 00. Le spleen me gagne.
À bientôt, je prie pour vous.
Étienne+

mercredi 2 novembre 2016

Entre Soko et Azéqa (1S 17,1)



Chers amis,
Depuis le changement d’heure, c’est tout drôle… À cinq heures du soir, le soleil est déjà couché. En France, vous avez encore une demi-heure de jour.
J’ai consulté un site d’éphémérides :
Mercredi 2 novembre 2016
Lever du soleil
Coucher du soleil
Jérusalem
05 h 55
16 h 49
Carpentras
07 h 17
17 h 29
Le temps de jour est plus long par chez nous, mais le soleil se lève tellement tôt…
Lundi, chose inhabituelle, les Frères ont déjeuné avec la TV allumée ! Ils suivaient en direct l’élection du général Aoun comme président du Liban. Le scrutin était un grand foutoir : une première fois, la majorité requise n’était pas acquise, puis il y avait trop d’enveloppes dans l’urne, puis chaque député passait insérer son enveloppe dans l’urne… Le soir, j’ai appris que c’était fait. Ce qui est drôle, c’est que les deux Frères qui étaient avec moi à ce moment ont une opinion radicalement différente sur cette élection…
Lundi soir, repas chez Michelle et Denis qui habitent entre la rue de Jaffa et la rue des Prophètes. Marie des Neiges et Marius étaient là et on a passé une soirée très sympa… Retour à la maison à… deux heures bien tapées.
Mardi, lever pas facile… Mais c’était la Toussaint. Bibliothèque fermée… Me voici désœuvré. Du coup, avec Marie des Neiges, nous avions ourdi un pélé à Bethléem. Messe à Saint-Sauveur à 8 h 30 et départ à pied. Nous voulions arriver pour la procession de midi.
Nous avons bien marché. Le check-point véhicules de Gilo était fermé mais on pouvait franchir le passage pour les piétons. En fait, il y avait une visite officielle du président italien dans la ville. Il y avait des policiers partout.
Pour être sûr d’être à l’heure à la procession, nous avons pris un taxi après le check-point. Arrivés à l’église Sainte-Catherine, à midi moins trois, on n’avait pas trop l’impression qu’une procession se préparait. Et de fait, il n’y en avait pas (pas de procession méridienne les dimanches et jours de fête…) Enfin, nous avons pu prendre un air de messe puisqu’un prêtre indien célébrait la messe pour un petit groupe, dans le rite syro-malabar (Catholiques indiens du Kerala, célébrant la messe dans la tradition liturgique syriaque).
Puis nous sommes descendus dans la grotte de la Nativité. La basilique est toujours pleine d’échafaudages. Nous poireautons un moment pour descendre dans la grotte : “délicatesse” des Américains, “finesse” des Slaves… Mais au fond de la grotte c’est calme.
Et on prie un bon moment. En sortant de la grotte nous réalisons qu’il pleut à grosses gouttes. Nous trouvons un bon resto sur la place de la Mangeoire. Une Taybeh (bière palestinienne), une salade de tomate, un tiramisù (c’était ce qui était marqué sur le menu…) et voilà. Puis nous avons fait nos emplettes pieuses : croix en bois d’olivier, crèches, Enfant Jésus. Parfois les marchands sont collants, relous.
Puis retour à Jérusalem par le bus. Le bus est plein d’étudiants qui rentrent à la maison après la journée d’étude. La plupart des filles sont voilées et surmaquillées. (L’Oréal n’a aucun souci à se faire sur les débouchés au Moyen-Orient).
Le soir, je n’ai pas traîné pour aller me coucher.
Aujourd’hui, toujours pas de bibliothèque. Le matin, j’en ai profité pour aller tôt sur l’esplanade des Mosquées. Je voulais vérifier certains endroits du site… En fait, la partie que je voulais voir est couverte de terre et d’oliviers… Rien à voir de ce côté-là mais j’ai admiré les bâtiments mamelouks. À un moment, un groupe de juifs sionistes-religieux est passé, escorté de policiers. Certains des plus jeunes étaient même pieds nus. Ils sont sortis à reculons par la porte de la chaîne, et à peine la barrière franchie, ils se sont mis à chanter. Je craignais que la tension règne sur l’esplanade des Mosquées, mais en fait le spectacle était sur celle du Mur occidental…
En montant vers les mosquées, j’avais entendu des cris et des coups de sifflet en dessous et, une fois ma visite achevée, je suis retourné sur mes pas ensuite pour faire le curieux.
Dans la partie de l’esplanade réservée aux femmes, il y avait un groupe très nombreux avec des femmes portant des rouleaux de la Torah (ce qui est impensable dans le judaïsme orthodoxe !) et priant en hébreu. Il y avait aussi des hommes. Autour les juifs orthodoxes hurlaient et sifflaient. Il y avait des insultes et des cris. Ce genre de manifestation a lieu chaque premier du mois (dans le calendrier juif : nous sommes le 1er Heshvan de l’an 5777) pour faire en sorte que tous les juifs aient accès au Mur occidental pour y prier suivant les divers rites. À l’heure actuelle, le grand rabbin du Mur (considéré comme une synagogue à ciel ouvert) est un ultra-orthodoxe et toute pratique refusée par eux ne peut s’exprimer au Mur. Le judaïsme est une religion sans hiérarchie centralisée et on dit parfois qu’il y a autant de judaïsmes que de juifs. Au Mur, ce sont les plus tradis qui décident et les autres ne peuvent y célébrer un office que s’ils se plient à leurs volontés et à leurs manières de faire. En janvier dernier, un accord a été trouvé pour aménager un peu plus au sud une zone mixte. Ce qui est drôle, c’est que la séparation hommes/femmes au Mur est relativement récente (après 1967).


Pourtant, c’était assez inhabituel de voir des femmes portant des rouleaux de la Torah, la kippa et les tefilîm…
Je ne me suis pas attardé mais ça a chauffé ensuite (on en parle même dans la presse française ! Libération, Paris Match) Il faut dire que c’était la première fois qu’un rouleau de la Torah était introduit dans section des femmes au Mur !
J’ai marché une petite heure pour rejoindre le Musée des Pays de la Bible. Je l’ai visité l’année dernière mais une nouvelle expo temporaire m’y a de nouveau attiré : « Entre David et Goliath, l’énigme de Qeiyafa »…
On y présentait quelques résultats de fouilles menées depuis 2007 dans un site près de Beth Shemesh que l'on appelle en arabe Khirbet Qeiyafa. Une ville datée de la première moitié du xe siècle avant notre ère y a été dégagée. Elle se situe entre deux sites connus : Soko et Azéqa, dans la vallée d’Élah. Si vous allez chercher dans votre Bible les endroits où sont mentionnés ces lieux, vous devrez aller au chapitre 17 du premier livre de Samuel :
« Puis les Philistins rassemblèrent leurs campements pour la guerre, ils se rassemblèrent à Soko qui est en Juda et établirent leur camp entre Soko et Azéqa, à Ephès-Dammîm. Mais Saül et les hommes d’Israël se rassemblèrent et établirent leur camp dans la vallée d’Élah (= du Térébinthe) et ils se rangèrent en ordre de bataille pour affronter les Philistins. Et les Philistins se tenaient sur cette montagne-ci ; et Israël se tenait sur cette montagne-là avec la vallée entre eux ».
La vallée d’Élah vue de Khirbet Qeiyafa
Vous avez reconnu le début du récit qui raconte le combat de David contre Goliath.
Le site a été identifié, selon certains, avec la cité biblique de Sha’arayîm (1S 17,52) où les Philistins jonchaient le sol après la victoire de David… Le nom de cette ville signifie les “Deux-Portes”, caractéristique assez rare dans l’urbanisme de l’époque. En effet, une porte sert à entrer dans la ville et représente donc un point de faiblesse dans le système de défense d’une ville. Les archéologues ont, en effet, dégagé deux portes : une au sud vers la vallée et une à l’ouest, tournée vers le pays des Philistins. Elles sont composées d’une double tenaille ; dans une des salles ménagées ainsi, une stèle était dressée, représentation de la divinité à laquelle on se confiait lorsqu’on sortait de la ville et à laquelle on rendait grâce lorsqu’on y rentrait sain et sauf.
Khirbet Qeiyafa vue d'avion
La muraille est circulaire, comme à l’époque, et consiste en un mur à casemate (un mur extérieur épais et un mur intérieur plus mince). Les maisons sont adossées au mur et utilisent la casemate comme pièce d’habitation. En cas de siège, on comble la casemate avec du sable et des pierres pour renforcer la muraille.
Les poteries trouvées sont intéressantes : on pressent des influences diverses : poteries bicolores philistines et d’autres plus simples.
Les maisons sont toutes du même style et possèdent souvent un lieu de culte privé, c’est assez unique. On voit bien que les habitants ne pratiquaient pas un judaïsme ultra-orthodoxe car ils vénéraient des pierres dressées. Pourtant, on a constaté qu’ils ne mangeaient pas de porc.
Deux inscriptions ont été retrouvées : l’une incisées dans une jarre pour marquer le nom de son propriétaire et l’autre écrite à l’encre sur un tesson d’une quinzaine de centimètres de côté. C’est bien une langue sémite mais les spécialistes se disputent pour savoir si c’est bien de l’hébreu. Même le P. Émile Puech de l’ÉBAF a apporté sa pierre à l'édifice.
Au centre de la ville, un gros bâtiment aux murs épais, vraisemblablement la résidence du gouverneur.
La question qui se pose et qui agite la communauté archéologique est celle de la population qui vivait là pendant les quarante ou cinquante ans au cours desquels la ville fut habitée. (Il n’y a qu’une seule strate archéologique, c’est assez rare dans le pays !)
Était-ce une cité du royaume de David, à la frontière du pays des Philistins (Gat, la ville d’où Goliath était originaire n’est qu’à une douzaine de kilomètres) ? C’est possible mais tout le monde n’est pas d’accord.
J’ai suivi la visite guidée, nous étions trois visiteurs (un couple juif et moi). Le monsieur était tracassé par l’absence de miqveh dans les zones fouillées ; la guide a eu toutes les peines du monde à lui expliquer que ce type d’installation n’est apparu qu’à la période du Second Temple, environ un siècle avant Jésus. Il évoquait la Mishna mais la guide lui expliquait que la Mishna date du iie siècle de notre ère. Et quand la guide a évoqué l’hypothèse, défendue par certains archéologues, que le royaume unifié de David et Salomon n’a peut-être pas existé en tant que tel, il a failli s’étrangler…
Je suis rentré à la maison et cet après-midi, j’ai pas mal lu.
Ce soir, à table, nous avons mangé un fromage israélien... Du Brie Pécan... C'est un fromage de brebis (comme le Brie ? @@ ) dans lequel il y a des noix de pécan. La photo doit être non contractuelle parce qu'on a compté les noix de pécan... Deux !
À bientôt, je prie pour vous.
Étienne+