mercredi 2 novembre 2016

Entre Soko et Azéqa (1S 17,1)



Chers amis,
Depuis le changement d’heure, c’est tout drôle… À cinq heures du soir, le soleil est déjà couché. En France, vous avez encore une demi-heure de jour.
J’ai consulté un site d’éphémérides :
Mercredi 2 novembre 2016
Lever du soleil
Coucher du soleil
Jérusalem
05 h 55
16 h 49
Carpentras
07 h 17
17 h 29
Le temps de jour est plus long par chez nous, mais le soleil se lève tellement tôt…
Lundi, chose inhabituelle, les Frères ont déjeuné avec la TV allumée ! Ils suivaient en direct l’élection du général Aoun comme président du Liban. Le scrutin était un grand foutoir : une première fois, la majorité requise n’était pas acquise, puis il y avait trop d’enveloppes dans l’urne, puis chaque député passait insérer son enveloppe dans l’urne… Le soir, j’ai appris que c’était fait. Ce qui est drôle, c’est que les deux Frères qui étaient avec moi à ce moment ont une opinion radicalement différente sur cette élection…
Lundi soir, repas chez Michelle et Denis qui habitent entre la rue de Jaffa et la rue des Prophètes. Marie des Neiges et Marius étaient là et on a passé une soirée très sympa… Retour à la maison à… deux heures bien tapées.
Mardi, lever pas facile… Mais c’était la Toussaint. Bibliothèque fermée… Me voici désœuvré. Du coup, avec Marie des Neiges, nous avions ourdi un pélé à Bethléem. Messe à Saint-Sauveur à 8 h 30 et départ à pied. Nous voulions arriver pour la procession de midi.
Nous avons bien marché. Le check-point véhicules de Gilo était fermé mais on pouvait franchir le passage pour les piétons. En fait, il y avait une visite officielle du président italien dans la ville. Il y avait des policiers partout.
Pour être sûr d’être à l’heure à la procession, nous avons pris un taxi après le check-point. Arrivés à l’église Sainte-Catherine, à midi moins trois, on n’avait pas trop l’impression qu’une procession se préparait. Et de fait, il n’y en avait pas (pas de procession méridienne les dimanches et jours de fête…) Enfin, nous avons pu prendre un air de messe puisqu’un prêtre indien célébrait la messe pour un petit groupe, dans le rite syro-malabar (Catholiques indiens du Kerala, célébrant la messe dans la tradition liturgique syriaque).
Puis nous sommes descendus dans la grotte de la Nativité. La basilique est toujours pleine d’échafaudages. Nous poireautons un moment pour descendre dans la grotte : “délicatesse” des Américains, “finesse” des Slaves… Mais au fond de la grotte c’est calme.
Et on prie un bon moment. En sortant de la grotte nous réalisons qu’il pleut à grosses gouttes. Nous trouvons un bon resto sur la place de la Mangeoire. Une Taybeh (bière palestinienne), une salade de tomate, un tiramisù (c’était ce qui était marqué sur le menu…) et voilà. Puis nous avons fait nos emplettes pieuses : croix en bois d’olivier, crèches, Enfant Jésus. Parfois les marchands sont collants, relous.
Puis retour à Jérusalem par le bus. Le bus est plein d’étudiants qui rentrent à la maison après la journée d’étude. La plupart des filles sont voilées et surmaquillées. (L’Oréal n’a aucun souci à se faire sur les débouchés au Moyen-Orient).
Le soir, je n’ai pas traîné pour aller me coucher.
Aujourd’hui, toujours pas de bibliothèque. Le matin, j’en ai profité pour aller tôt sur l’esplanade des Mosquées. Je voulais vérifier certains endroits du site… En fait, la partie que je voulais voir est couverte de terre et d’oliviers… Rien à voir de ce côté-là mais j’ai admiré les bâtiments mamelouks. À un moment, un groupe de juifs sionistes-religieux est passé, escorté de policiers. Certains des plus jeunes étaient même pieds nus. Ils sont sortis à reculons par la porte de la chaîne, et à peine la barrière franchie, ils se sont mis à chanter. Je craignais que la tension règne sur l’esplanade des Mosquées, mais en fait le spectacle était sur celle du Mur occidental…
En montant vers les mosquées, j’avais entendu des cris et des coups de sifflet en dessous et, une fois ma visite achevée, je suis retourné sur mes pas ensuite pour faire le curieux.
Dans la partie de l’esplanade réservée aux femmes, il y avait un groupe très nombreux avec des femmes portant des rouleaux de la Torah (ce qui est impensable dans le judaïsme orthodoxe !) et priant en hébreu. Il y avait aussi des hommes. Autour les juifs orthodoxes hurlaient et sifflaient. Il y avait des insultes et des cris. Ce genre de manifestation a lieu chaque premier du mois (dans le calendrier juif : nous sommes le 1er Heshvan de l’an 5777) pour faire en sorte que tous les juifs aient accès au Mur occidental pour y prier suivant les divers rites. À l’heure actuelle, le grand rabbin du Mur (considéré comme une synagogue à ciel ouvert) est un ultra-orthodoxe et toute pratique refusée par eux ne peut s’exprimer au Mur. Le judaïsme est une religion sans hiérarchie centralisée et on dit parfois qu’il y a autant de judaïsmes que de juifs. Au Mur, ce sont les plus tradis qui décident et les autres ne peuvent y célébrer un office que s’ils se plient à leurs volontés et à leurs manières de faire. En janvier dernier, un accord a été trouvé pour aménager un peu plus au sud une zone mixte. Ce qui est drôle, c’est que la séparation hommes/femmes au Mur est relativement récente (après 1967).


Pourtant, c’était assez inhabituel de voir des femmes portant des rouleaux de la Torah, la kippa et les tefilîm…
Je ne me suis pas attardé mais ça a chauffé ensuite (on en parle même dans la presse française ! Libération, Paris Match) Il faut dire que c’était la première fois qu’un rouleau de la Torah était introduit dans section des femmes au Mur !
J’ai marché une petite heure pour rejoindre le Musée des Pays de la Bible. Je l’ai visité l’année dernière mais une nouvelle expo temporaire m’y a de nouveau attiré : « Entre David et Goliath, l’énigme de Qeiyafa »…
On y présentait quelques résultats de fouilles menées depuis 2007 dans un site près de Beth Shemesh que l'on appelle en arabe Khirbet Qeiyafa. Une ville datée de la première moitié du xe siècle avant notre ère y a été dégagée. Elle se situe entre deux sites connus : Soko et Azéqa, dans la vallée d’Élah. Si vous allez chercher dans votre Bible les endroits où sont mentionnés ces lieux, vous devrez aller au chapitre 17 du premier livre de Samuel :
« Puis les Philistins rassemblèrent leurs campements pour la guerre, ils se rassemblèrent à Soko qui est en Juda et établirent leur camp entre Soko et Azéqa, à Ephès-Dammîm. Mais Saül et les hommes d’Israël se rassemblèrent et établirent leur camp dans la vallée d’Élah (= du Térébinthe) et ils se rangèrent en ordre de bataille pour affronter les Philistins. Et les Philistins se tenaient sur cette montagne-ci ; et Israël se tenait sur cette montagne-là avec la vallée entre eux ».
La vallée d’Élah vue de Khirbet Qeiyafa
Vous avez reconnu le début du récit qui raconte le combat de David contre Goliath.
Le site a été identifié, selon certains, avec la cité biblique de Sha’arayîm (1S 17,52) où les Philistins jonchaient le sol après la victoire de David… Le nom de cette ville signifie les “Deux-Portes”, caractéristique assez rare dans l’urbanisme de l’époque. En effet, une porte sert à entrer dans la ville et représente donc un point de faiblesse dans le système de défense d’une ville. Les archéologues ont, en effet, dégagé deux portes : une au sud vers la vallée et une à l’ouest, tournée vers le pays des Philistins. Elles sont composées d’une double tenaille ; dans une des salles ménagées ainsi, une stèle était dressée, représentation de la divinité à laquelle on se confiait lorsqu’on sortait de la ville et à laquelle on rendait grâce lorsqu’on y rentrait sain et sauf.
Khirbet Qeiyafa vue d'avion
La muraille est circulaire, comme à l’époque, et consiste en un mur à casemate (un mur extérieur épais et un mur intérieur plus mince). Les maisons sont adossées au mur et utilisent la casemate comme pièce d’habitation. En cas de siège, on comble la casemate avec du sable et des pierres pour renforcer la muraille.
Les poteries trouvées sont intéressantes : on pressent des influences diverses : poteries bicolores philistines et d’autres plus simples.
Les maisons sont toutes du même style et possèdent souvent un lieu de culte privé, c’est assez unique. On voit bien que les habitants ne pratiquaient pas un judaïsme ultra-orthodoxe car ils vénéraient des pierres dressées. Pourtant, on a constaté qu’ils ne mangeaient pas de porc.
Deux inscriptions ont été retrouvées : l’une incisées dans une jarre pour marquer le nom de son propriétaire et l’autre écrite à l’encre sur un tesson d’une quinzaine de centimètres de côté. C’est bien une langue sémite mais les spécialistes se disputent pour savoir si c’est bien de l’hébreu. Même le P. Émile Puech de l’ÉBAF a apporté sa pierre à l'édifice.
Au centre de la ville, un gros bâtiment aux murs épais, vraisemblablement la résidence du gouverneur.
La question qui se pose et qui agite la communauté archéologique est celle de la population qui vivait là pendant les quarante ou cinquante ans au cours desquels la ville fut habitée. (Il n’y a qu’une seule strate archéologique, c’est assez rare dans le pays !)
Était-ce une cité du royaume de David, à la frontière du pays des Philistins (Gat, la ville d’où Goliath était originaire n’est qu’à une douzaine de kilomètres) ? C’est possible mais tout le monde n’est pas d’accord.
J’ai suivi la visite guidée, nous étions trois visiteurs (un couple juif et moi). Le monsieur était tracassé par l’absence de miqveh dans les zones fouillées ; la guide a eu toutes les peines du monde à lui expliquer que ce type d’installation n’est apparu qu’à la période du Second Temple, environ un siècle avant Jésus. Il évoquait la Mishna mais la guide lui expliquait que la Mishna date du iie siècle de notre ère. Et quand la guide a évoqué l’hypothèse, défendue par certains archéologues, que le royaume unifié de David et Salomon n’a peut-être pas existé en tant que tel, il a failli s’étrangler…
Je suis rentré à la maison et cet après-midi, j’ai pas mal lu.
Ce soir, à table, nous avons mangé un fromage israélien... Du Brie Pécan... C'est un fromage de brebis (comme le Brie ? @@ ) dans lequel il y a des noix de pécan. La photo doit être non contractuelle parce qu'on a compté les noix de pécan... Deux !
À bientôt, je prie pour vous.
Étienne+

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