הנחל אשׁר על־פני יקנעם
hannaḥal ɔašer cal penê Yoqnécam
Chers amis,
Vendredi après-midi, alors que je travaillais en bibliothèque, j’ai reçu un
message de Michelle qui me proposait d’aller en Galilée le lendemain… J’ai
hésité car cela signifiait de ne pas aller en bibliothèque le samedi matin…
Finalement le programme était alléchant : Megiddo et Beth-Shéarîm. À 8h
j’étais donc devant Notre-Dame et Michelle m’a récupéré puis on est allé
chercher une autre amie dont le mari travaille au Consulat. Direction Megiddo,
où nous sommes arrivés vers 9 h 40. Je connaissais déjà le site pour l'avoir visité avec l'EBAF. Nous avons fait un joli tour sur
le site. Ce qui me fait rire c’est l’insistance des panneaux explicatifs sur le
fait que l’Apocalypse situe proprement à Megiddo la bataille de la fin des
temps (Ap 16,16) : et pour illustrer cela on voit un groupe de
personnes, le regard éperdu, brandissant des chapelets (la bonne sœur est
particulièrement expressive) pour espérer échapper. Quand saint Jean écrit
l’Apocalypse, cela faisait 400 ans qu’il n’y avait plus d’occupation du site.
Nous avons vu les portes (cananéenne et israélite), les palais et les fameuses
“écuries” ainsi que l’impressionnant système d’eau.
Puis nous avions un peu de temps alors nous sommes allés un peu plus loin à
Yoqnéam. Comme Megiddo, ce tell contrôlait une passe à travers la chaîne du Carmel (12 km plus à
l’ouest). Le site a été fouillé mais n’est pas aménagé en parc. On y
accède librement et il y a quelques explications en hébreu… Les enfants des
écoles du coin ont dû faire des activités “peintures sur céramique” car il y a
en partout.
Il n’y a pas grand-chose à voir. Surtout les restes d’une église de l’époque
croisée (à l’époque le site s’appelait Caimont ou Cain Mons, puisqu’une
tradition antique affirmait que c’était là que Caïn avait été tué par Lamech,
son descendant. En arrivant Michelle a dit : « On dirait que c’est
byzantin ! » Et j’ai rétorqué : « Non, c’est croisé ! »
Et en fait, nous avions tous deux raison : l’église croisée est bâtie sur
les restes d’une église byzantine. L’église croisée réutilise des vestiges
romains. Autour, une maison et un fortin croisés. Les latrines sont toujours
utilisables (et peut-être même utilisées…) Au sommet du tell, des vestiges de l’époque
ottomane : un certain Dahir al-Umar, un bédouin des environs s’était
emparé, au nez et à la barbe des gouverneurs ottomans d’une bonne partie de la
Galilée et avait institué une sorte d’état plus ou moins autonome. Le sultan n’a
pas trop apprécié, l’a assiégé dans la cité d’Acre (Saint-Jean-d’Acre) et a
fini par l’attraper et le décapiter. La tête a été envoyée à Istanbul…
Puis, nous sommes allés à quelques kilomètres de là, à Beth Shéarîm. Nous y avons pique-niqué.
C’est une
ville importante pour la tradition juive. Après la destruction de Jérusalem en
70 ap. J.-C., le sanhédrin, la plus haute autorité juive, s’est réfugié
dans la plaine côtière à Yavné (Jamnia), puis il est allé en Galilée et
notamment à Beth Shéarîm. C’est là qu’un certain Juda haNassî a vécu et s’est
fait enterrer au début du iiie siècle. La tradition juive l’appelle « notre saint
maître ». C’est à lui que l’on doit l’entreprise de compilation de la
Mishna. Après la chute du Temple, le judaïsme a dû se réformer en dehors du
culte du temple (sacrifices, offrandes…). La vie juive s’est alors centrée sur
la Tora et son observance. La Tora écrite, vous la connaissez, c’est ce que
nous, chrétiens, appelons le Pentateuque, les cinq premiers livres de la Bible (Genèse,
Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome). La Tora orale, tout aussi importante
pour les Juifs, est l’interprétation pratique de cette Tora écrite. Bien qu’elle
soit orale, elle a commencé au iie s. à être mise par écrit ; la première étape de ce
processus a donné lieu à la Mishna (en hébreu, la “répétition”). De fil en
aiguille, par ajouts successifs, on en est arrivé à former le Talmud.
À Beth Shéarîm, donc, comme Juda haNassî y est enterré, les gens ont voulu eux
aussi reposer pas trop loin de lui. Une nécropole des iiie et ive siècles s’est donc
développée avec des tombes creusées dans le calcaire tendre du site (une sorte
de craie). Chaque tombe s’étend sous terre avec différents modes
d’inhumation :
sarcophages, arcosolia, banquette funéraire… Habituellement, les tombes sont
fermées par un montant, un linteau et une porte en pierre plus solide. Les murs
intérieurs sont décorés de symboles juifs (des chandeliers à sept branches, des
lulavs…) et parfois d’inscriptions en grec ou en araméen. Deux grands caveaux
se visitent : dans l’un d’entre eux on pense avoir retrouvé la tombe de
Juda haNassî ; l’autre contient pas moins de 135 sarcophages. Le site est
très joli, propice à une petite sortie familiale (beaucoup de familles
pique-niquaient, les enfants allaient explorer les tombes). Ensuite, nous avons
voulu aller vers d’autres tombes, mais le site était fermé. Il faut réserver
pour y accéder mais comme ça n’est marqué qu’à l’entrée de ce site secondaire,
il ne doit pas y avoir grand monde qui y va. Comme ça, les gardes sont
tranquilles.
L'entrée de la tombe de Juda haNassî |
Puis nous sommes montés un peu plus haut, sur la colline où s’étendait la ville
de Beth Shéarîm (la maison des portes, en hébreu). Le site n’a pas été trop fouillé :
on devine une porte de la ville, un pressoir à huile, une synagogue et une
basilique. Au sommet de la colline, un statue équestre d’Alexandre Zaïd, un
juif russe qui a émigré en Palestine en 1904, il a vécu là avec sa famille
jusqu’à son assassinat par un bédouin en 1938. Dans les années 30, sous le
mandat britannique, les relations entre Juifs et Arabes se sont dégradées et il
y a eu pas mal de violences, dont l’assassinat de Zaïd. Zaïd était membre de
haShomer (le gardien), une organisation paramilitaire de défense des kibboutz,
qui a fini par donner la Haganah et finalement l’armée israélienne (la fameuse
Tsahal) au moment de la fondation de l’État.
Puis il était 15h30 et bien temps de rentrer. Nous voilà repartis sur la route.
À un moment, une voiture de police nous a arrêtés. Le type voulait vérifier les
papiers : la voiture de Michelle est dotée d’une plaque blanche
(diplomatique) mais sans indicatif CD ou CC (Corps consulaire) et le type était
méfiant. Surtout que depuis un an, la police se méfie des véhicules
diplomatiques français… En février dernier, un employé du consulat s’est fait
attraper à la frontière avec la bande de Gaza : il transportait des armes
de Gaza à la Cisjordanie dans un véhicule du consulat. Ça fait mauvais effet…
et n’a pas dû arranger les relations franco-israéliennes. Finalement, ça n’a
pas été trop long et il nous a même donné un tuyau pour couper le bouchon sur l’autoroute.
Le lendemain, dimanche, fête du baptême du Seigneur, j’ai dû quand même
consacrer un peu de temps à l’étude après la bagatelle de la veille… Du coup,
je suis allé à la messe tôt à Notre-Dame, de l’autre côté de la Porte Neuve. C’est
un immense bâtiment construit en 1888 par les Assomptionnistes pour leurs
pèlerins. Maintenant, ça appartient au Saint-Siège et est confié aux
Légionnaires du Christ.
Je rentre dans la sacristie, il y avait déjà plusieurs prêtres. Je dis « Bonjour ».
Et j’avise sur le buffet une belle crosse en argent et une mitre. Peste !
il y a un évêque ! Mais où est-il ? Je demande si je peux
concélébrer, le prêtre me répond positivement avec un grand sourire. Je me
présente. Je m’habille. Je reconnais un jeune prêtre qui fréquente la
bibliothèque de l’ÉBAF. Nous nous saluons. Une fois prêt, je me recueille face
à la croix pour me préparer à la messe. Je regarde les portraits de part et d’autre
de la croix. Le pape François (normal !) et… là je reconnais… le type à
qui j’ai demandé à concélébrer… le nonce apostolique, Son Excellence
monseigneur Leopoldo Girelli. C’est le nouveau arrivé en novembre 2017, je ne
le connaissais pas.
Après la messe, j’y suis allé de quelques flagorneries (ArrivederLa, Eccelenza…)
pour tenter de noyer le poisson. Le jeune prêtre, Cristobal, m’a invité à
prendre le café, nous avons discuté de nos recherches : il travaille sur
le Benedictus et le Magnificat.
L’après-midi, un peu de travail puis un petit tour dans la Vieille Ville :
Saint-Sépulcre, Mur occidental, Cénacle…
Lundi, mardi et mercredi : bibliothèque, étude, lecture, rédaction. Cet
après-midi, il y a eu une belle tempête de grêle et plus tard dans la soirée un
peu de neige. Mais ça n’a pas tenu. Quelques coups de tonnerre. On verra
demain.
À bientôt,
Étienne+
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