ἔχοντα
τὴν κλεῖν τῆς ἀβύσσου
echonta tên klein tês abussou
Chers amis,
Jeudi, mon isolement a continué… Ça commençait à me taper sur le système.
Vendredi, j’ai fait un test antigénique, qui m’a laissé espérer un instant que…
et en fait non, la barre du test a fini par apparaître dans une nuance un peu
éthérée. Mais comme un médecin de mes connaissances m’a dit : « Les
résultats mi-chèvre, mi-chou, c’est comme les tests de grossesse : c’est
positif ! ». Heureusement, que je n’ai pas neuf mois à tirer.
J’ai donc eu une visio avec Anthony.
Samedi matin, re-test antigénique. Rien, négatif ! Chouette ! Le
matin, je suis passé à la bibliothèque pour récupérer certaines de mes affaires
laissées là-bas une semaine plus tôt.
L’après-midi, après une bonne sieste, je suis parti vers la maison
d’Abraham : j’avais vu sœur Amanda aux Rameaux et elle m’avait proposé de
passer voir la “nouvelle” maison d’Abraham, puisqu’ils ont profité de la
pandémie pour faire des aménagements, c’est très réussi. Malheureusement, sœur
Amanda était en France !
Je suis aussi allé saluer Mgr Cattenoz. Depuis qu’il a quitté Avignon début
2021, il partage son temps entre un petit village près de Lourdes et la Domus
Mambré, maison du Chemin Néocatécuménal à Jérusalem, située dans l’enceinte de
la maison d’Abraham. Quelques séminaristes étudient l’hébreu, l’arabe, la
Bible. On a discuté une bonne heure et demie. Ce fut très sympa, je l’ai senti
détendu, heureux de ce nouveau ministère moins exposé. Il m’a aussi parlé de sa
santé qui a donné quelques inquiétudes à l’automne dernier. Il a failli y
passer. Depuis les choses se sont stabilisées et il doit être suivi.
Dimanche, nous avions rendez-vous à 8h30 pour un test PCR, toujours à l’hôpital
luthérien. Puis le Frère Malak m’a laissé à la station de tramway. De là, j’ai
rejoint la gare centrale pour attraper le bus vers Abu Gosh… J’ai attendu près
de 40 minutes, un bus qui est censé passer toutes les 20 minutes. Il était 10
heures passées quand le bus est arrivé, ça pouvait jouer pour la messe à 10h30
au monastère. Évidemment, le bus est passé par Mevaseret Tsion, où personne ne
monte et personne ne descend… mais ça rallonge la sauce. Puis il m’a laissé à
10h22 à l’arrêt de bus. En marchant d’un pas rapide vers le monastère, j’avais
l’impression d’être sur un tapis roulant à contre-courant… Finalement, je suis
arrivé à temps.
La messe était présidée par Mgr Thibault Verny, évêque auxiliaire de Paris. Il
était en Terre sainte pour la consécration épiscopale de Mgr Rafic Nahra, la
veille à Nazareth. Le P. Rafic est né en Égypte, de parents libanais, puis il a
étudié en France, a fait son séminaire en France, puis à Rome… depuis quelques
années il était au service du patriarcat latin de Jérusalem et il y a quelques
semaines, le pape l’a nommé évêque auxiliaire du patriarcat pour le territoire
israélien. Comme il est prêtre de Paris, un évêque auxiliaire de Paris a été
convié pour être l’un des trois évêques consécrateurs.
Belle messe, sereine comme toujours. À la sortie, je croise Marie-Laure et
Antoine qui habitaient Tel Aviv il y a trois ans. Bonne surprise de se
retrouver. Puis apéro avec les frères, je sympathise avec une famille qui vient
d’arriver à Ramallah pour travailler pour la Croix rouge internationale…
Le repas fut très bon (le Frère Dominique est un cordon bleu). Puis après la
vaisselle, nous avons pris le café avec les sœurs. En fait, Mgr Verny est oblat
du prieuré du Mesnil-Saint-Loup, près de Troyes, qui appartient lui-aussi à la
congrégation bénédictine de Montolivet. Il est donc un peu en famille à Abu
Gosh. Il a parlé de son ministère épiscopal, de la reconstruction de Notre-Dame
de Paris, et de sa mission particulière pour le suivi et la prévention des
affaires d’abus sexuels dans l’Église. Certainement pas le ministère le plus
fun qui soit mais malheureusement nécessaire. J’ai apprécié sa prise de parole
mesurée et concrète.
Puis après avoir salué tout le monde, je suis allé à l’arrêt de bus… On
annonçait entre 20 et 30 minutes entre chaque bus… J’ai attendu 50 minutes et
le petit vieux qui était là avant moi comptait les minutes en arabe, il a
attendu 1h15 (on se fout du monde).
Cet exercice de patience a été l’occasion d’étudier in concreto la
conduite dans la région. C’est déroutant (littéralement !). Où ont-ils eu
leur permis ? Même pas dans une pochette surprise. Après une longue étude,
mon analyse est la suivante. Imaginez nos (arrières)-grands-mères qui ont
appris à conduire à 40 ou 45 ans après la guerre. Là, il y a un peu de ça mais
avec l’assurance en plus. Ces gens ont-ils appris à faire un créneau ?
Manifestement, non ! sinon, ils ne rentreraient pas dans la place par
devant ! Savent-ils ce qu’est un rayon de braquage ? Non plus !
Ont-ils la notion que les roues de devant tournent mais pas les roues
arrière ? Ça ne saute pas aux yeux ! La différence avec nos
grands-mères, c’est qu’elles conduisaient les 2CV ou les 4L de l’époque.
Aujourd’hui, on a des grosses berlines japonaises ou allemandes. Chez nos
grands-mères, on sentait toujours un peu d’angoisse à l’idée de prendre le
volant, comme s’il s’agissait d’une transgression, quelque chose de mystérieux
qu’on ne maîtrise pas, une aventure. Là, on est chez soi et on prend son temps
pour le faire, même si cela doit engendrer un embouteillage.
Bref, le bus a fini par arriver et me déposer à la gare centrale. Je suis
descendu à pied par la rue de Jaffa.
Arrivé à la maison, je capte enfin Internet et reçois le résultat du PCR. Le
prélèvement avait été léger et indolore… mais il avait quand même réussi à
attraper un bout d’ARN… Test positif ! Saperlipopette !
Renseignements pris auprès de M. Khader, employé des Frères, qui se trouvait à
l’aéroport à ce moment-là, on peut passer. Je fais donc mon sac et je quitte
Jérusalem vers 22h30. Mauvaise surprise à l’aéroport… L’avion a été annulé et
je n’avais pas reçu le mail (en fait si, mais comme j’avais indiqué mon adresse
poubelle je n’avais pas regardé). Heureusement, il y a un vol à 14h25 et je
prends une place… Je suis arrivé à 23h30 pour un avion qui décolle 15 heures
plus tard. J’exulte de joie !
Je trouve une place dans un siège assez confortable. Je
somnole un peu, lis, somnole, consulte mes mails (dont le fameux qui parlait de
l’annulation).
À un moment, un gars s’assoit à côté de moi et engage la
conversation. C’est un juif ukrainien qui a émigré en Israël en 1991, à la
chute du rideau de fer. Ingénieur électronicien de formation, il s’est
reconverti dans la production de spectacles. Il a toute une écurie de chanteurs
russes et ukrainiens. Il m’a donné du chocolat russe, très fier. (Le chocolat
russe m’a toujours fait penser aux doubitchou de Sofia, ou alors imaginez le
chocolat “marque repère” que vous auriez oublié un après-midi d’été sur la
plage arrière de la voiture puis mis au frigo pour lui faire reprendre forme
humaine). Non, mais arrêtez avec votre chocolat russe, j’ai étudié en Suisse,
ça sert à rien, vous ne pouvez pas…
Mon nouveau “pote” Alex me développe dans un anglais approximatif son concept
d’Israbluff, je vous laisse imaginer de quoi il s’agit.
Finalement, il me lâche (pas fâché) pour aller en griller une (je ne savais pas
qu’un jour je rendrais grâce à Dieu pour les fumeurs) et attendre une de ses
stars qui s’apprête à décoller pour Moscou. La place libérée est vite investie
par une famille…
J’attends…
Alex revient deux heures plus tard, me refourgue une tablette de chocolat. Et s’en
va.
Enfin à 10h, les formalités d’enregistrement commencent. Je ne suis pas fâché d’avoir
fait le check sécurité à 1h30 du matin. La queue est monstrueuse ! Ma
valise est dotée d’un joli code-barre qui permet de passer devant tout le
monde. L’enregistrement des bagages est rapide.
Je me dirige vers le check sécurité. Sans surprise, j’intègre la ligne VIP
(Vraiment Insupportable et Pénible) d’autant plus que les agents de l’aéroport
s’activent avec la frénésie d’une tortue sous Xanax. Pour corser le tout, les
passagers me stupéfient par leur ingénuité : certains se pointent au
contrôle un quart d’heure avant l’embarquement ! alors qu’il y a une heure
de queue…
Je passe le contrôle sans difficulté, j’arrive dans la rotonde. Je parcours les
magasins duty-free… Les prix m’étonnent toujours ! Je n’ose imaginer le
prix avec les taxes. Je grignote un sandwich et attend l’embarquement. Qui se
fait sans bousculade et dans le calme. Je m’installe à mon siège, côté hublot.
Et je m’endors. Je suis réveillé au bout d’une heure de vol pour recevoir un
truc à manger (je me demande encore ce que c’était… mieux vaut sans doute ne
pas savoir). L’avion survole les nuages, puis nous passons au-dessus des
Pouilles, Bari, le Monte Gargano, puis un peu après l’île d’Elbe, le cap Corse
et enfin Marseille qui resplendit au soleil.
L’avion atterrit avec un petit quart d’heure d’avance. On poireaute un peu pour
les bagages, je retrouve la roue de ma valise abîmée. On leur dit pas merci.
J’attends le bus qui me dépose deux petites heures plus
tard à Pernes-les-Fontaines. Un séminariste m’y attend et me ramène à
Sainte-Garde. Je suis bien décalqué après plus de 36 heures sans vraiment
dormir.
Sinon, bilan du mois d’avril : l’École biblique me demande de soutenir ma
thèse en février prochain (2023), cela signifie que je devrais déposer courant
novembre, pour laisser le temps aux membres du jury de prendre connaissance de
mon travail. Je demande donc votre prière pour m’aider…
Étienne+