mardi 3 mai 2022

Ayant la clef de l’abîme (Ap 20,1)

 ἔχοντα τὴν κλεῖν τῆς ἀβύσσου
echonta tên klein tês abussou

Chers amis,
Jeudi, mon isolement a continué… Ça commençait à me taper sur le système. Vendredi, j’ai fait un test antigénique, qui m’a laissé espérer un instant que… et en fait non, la barre du test a fini par apparaître dans une nuance un peu éthérée. Mais comme un médecin de mes connaissances m’a dit : « Les résultats mi-chèvre, mi-chou, c’est comme les tests de grossesse : c’est positif ! ». Heureusement, que je n’ai pas neuf mois à tirer.
J’ai donc eu une visio avec Anthony.
Samedi matin, re-test antigénique. Rien, négatif ! Chouette ! Le matin, je suis passé à la bibliothèque pour récupérer certaines de mes affaires laissées là-bas une semaine plus tôt.
L’après-midi, après une bonne sieste, je suis parti vers la maison d’Abraham : j’avais vu sœur Amanda aux Rameaux et elle m’avait proposé de passer voir la “nouvelle” maison d’Abraham, puisqu’ils ont profité de la pandémie pour faire des aménagements, c’est très réussi. Malheureusement, sœur Amanda était en France !
Je suis aussi allé saluer Mgr Cattenoz. Depuis qu’il a quitté Avignon début 2021, il partage son temps entre un petit village près de Lourdes et la Domus Mambré, maison du Chemin Néocatécuménal à Jérusalem, située dans l’enceinte de la maison d’Abraham. Quelques séminaristes étudient l’hébreu, l’arabe, la Bible. On a discuté une bonne heure et demie. Ce fut très sympa, je l’ai senti détendu, heureux de ce nouveau ministère moins exposé. Il m’a aussi parlé de sa santé qui a donné quelques inquiétudes à l’automne dernier. Il a failli y passer. Depuis les choses se sont stabilisées et il doit être suivi.
Dimanche, nous avions rendez-vous à 8h30 pour un test PCR, toujours à l’hôpital luthérien. Puis le Frère Malak m’a laissé à la station de tramway. De là, j’ai rejoint la gare centrale pour attraper le bus vers Abu Gosh… J’ai attendu près de 40 minutes, un bus qui est censé passer toutes les 20 minutes. Il était 10 heures passées quand le bus est arrivé, ça pouvait jouer pour la messe à 10h30 au monastère. Évidemment, le bus est passé par Mevaseret Tsion, où personne ne monte et personne ne descend… mais ça rallonge la sauce. Puis il m’a laissé à 10h22 à l’arrêt de bus. En marchant d’un pas rapide vers le monastère, j’avais l’impression d’être sur un tapis roulant à contre-courant… Finalement, je suis arrivé à temps.
La messe était présidée par Mgr Thibault Verny, évêque auxiliaire de Paris. Il était en Terre sainte pour la consécration épiscopale de Mgr Rafic Nahra, la veille à Nazareth. Le P. Rafic est né en Égypte, de parents libanais, puis il a étudié en France, a fait son séminaire en France, puis à Rome… depuis quelques années il était au service du patriarcat latin de Jérusalem et il y a quelques semaines, le pape l’a nommé évêque auxiliaire du patriarcat pour le territoire israélien. Comme il est prêtre de Paris, un évêque auxiliaire de Paris a été convié pour être l’un des trois évêques consécrateurs.
Belle messe, sereine comme toujours. À la sortie, je croise Marie-Laure et Antoine qui habitaient Tel Aviv il y a trois ans. Bonne surprise de se retrouver. Puis apéro avec les frères, je sympathise avec une famille qui vient d’arriver à Ramallah pour travailler pour la Croix rouge internationale…
Le repas fut très bon (le Frère Dominique est un cordon bleu). Puis après la vaisselle, nous avons pris le café avec les sœurs. En fait, Mgr Verny est oblat du prieuré du Mesnil-Saint-Loup, près de Troyes, qui appartient lui-aussi à la congrégation bénédictine de Montolivet. Il est donc un peu en famille à Abu Gosh. Il a parlé de son ministère épiscopal, de la reconstruction de Notre-Dame de Paris, et de sa mission particulière pour le suivi et la prévention des affaires d’abus sexuels dans l’Église. Certainement pas le ministère le plus fun qui soit mais malheureusement nécessaire. J’ai apprécié sa prise de parole mesurée et concrète.
Puis après avoir salué tout le monde, je suis allé à l’arrêt de bus… On annonçait entre 20 et 30 minutes entre chaque bus… J’ai attendu 50 minutes et le petit vieux qui était là avant moi comptait les minutes en arabe, il a attendu 1h15 (on se fout du monde).
Cet exercice de patience a été l’occasion d’étudier in concreto la conduite dans la région. C’est déroutant (littéralement !). Où ont-ils eu leur permis ? Même pas dans une pochette surprise. Après une longue étude, mon analyse est la suivante. Imaginez nos (arrières)-grands-mères qui ont appris à conduire à 40 ou 45 ans après la guerre. Là, il y a un peu de ça mais avec l’assurance en plus. Ces gens ont-ils appris à faire un créneau ? Manifestement, non ! sinon, ils ne rentreraient pas dans la place par devant ! Savent-ils ce qu’est un rayon de braquage ? Non plus ! Ont-ils la notion que les roues de devant tournent mais pas les roues arrière ? Ça ne saute pas aux yeux ! La différence avec nos grands-mères, c’est qu’elles conduisaient les 2CV ou les 4L de l’époque. Aujourd’hui, on a des grosses berlines japonaises ou allemandes. Chez nos grands-mères, on sentait toujours un peu d’angoisse à l’idée de prendre le volant, comme s’il s’agissait d’une transgression, quelque chose de mystérieux qu’on ne maîtrise pas, une aventure. Là, on est chez soi et on prend son temps pour le faire, même si cela doit engendrer un embouteillage.
Bref, le bus a fini par arriver et me déposer à la gare centrale. Je suis descendu à pied par la rue de Jaffa.
Arrivé à la maison, je capte enfin Internet et reçois le résultat du PCR. Le prélèvement avait été léger et indolore… mais il avait quand même réussi à attraper un bout d’ARN… Test positif ! Saperlipopette !
Renseignements pris auprès de M. Khader, employé des Frères, qui se trouvait à l’aéroport à ce moment-là, on peut passer. Je fais donc mon sac et je quitte Jérusalem vers 22h30. Mauvaise surprise à l’aéroport… L’avion a été annulé et je n’avais pas reçu le mail (en fait si, mais comme j’avais indiqué mon adresse poubelle je n’avais pas regardé). Heureusement, il y a un vol à 14h25 et je prends une place… Je suis arrivé à 23h30 pour un avion qui décolle 15 heures plus tard. J’exulte de joie !
Je trouve une place dans un siège assez confortable. Je somnole un peu, lis, somnole, consulte mes mails (dont le fameux qui parlait de l’annulation).
À un moment, un gars s’assoit à côté de moi et engage la conversation. C’est un juif ukrainien qui a émigré en Israël en 1991, à la chute du rideau de fer. Ingénieur électronicien de formation, il s’est reconverti dans la production de spectacles. Il a toute une écurie de chanteurs russes et ukrainiens. Il m’a donné du chocolat russe, très fier. (Le chocolat russe m’a toujours fait penser aux doubitchou de Sofia, ou alors imaginez le chocolat “marque repère” que vous auriez oublié un après-midi d’été sur la plage arrière de la voiture puis mis au frigo pour lui faire reprendre forme humaine). Non, mais arrêtez avec votre chocolat russe, j’ai étudié en Suisse, ça sert à rien, vous ne pouvez pas…
Mon nouveau “pote” Alex me développe dans un anglais approximatif son concept d’Israbluff, je vous laisse imaginer de quoi il s’agit.
Finalement, il me lâche (pas fâché) pour aller en griller une (je ne savais pas qu’un jour je rendrais grâce à Dieu pour les fumeurs) et attendre une de ses stars qui s’apprête à décoller pour Moscou. La place libérée est vite investie par une famille…
J’attends…
Alex revient deux heures plus tard, me refourgue une tablette de chocolat. Et s’en va.
Enfin à 10h, les formalités d’enregistrement commencent. Je ne suis pas fâché d’avoir fait le check sécurité à 1h30 du matin. La queue est monstrueuse ! Ma valise est dotée d’un joli code-barre qui permet de passer devant tout le monde. L’enregistrement des bagages est rapide.
Je me dirige vers le check sécurité. Sans surprise, j’intègre la ligne VIP (Vraiment Insupportable et Pénible) d’autant plus que les agents de l’aéroport s’activent avec la frénésie d’une tortue sous Xanax. Pour corser le tout, les passagers me stupéfient par leur ingénuité : certains se pointent au contrôle un quart d’heure avant l’embarquement ! alors qu’il y a une heure de queue…
Je passe le contrôle sans difficulté, j’arrive dans la rotonde. Je parcours les magasins duty-free… Les prix m’étonnent toujours ! Je n’ose imaginer le prix avec les taxes. Je grignote un sandwich et attend l’embarquement. Qui se fait sans bousculade et dans le calme. Je m’installe à mon siège, côté hublot. Et je m’endors. Je suis réveillé au bout d’une heure de vol pour recevoir un truc à manger (je me demande encore ce que c’était… mieux vaut sans doute ne pas savoir). L’avion survole les nuages, puis nous passons au-dessus des Pouilles, Bari, le Monte Gargano, puis un peu après l’île d’Elbe, le cap Corse et enfin Marseille qui resplendit au soleil.
L’avion atterrit avec un petit quart d’heure d’avance. On poireaute un peu pour les bagages, je retrouve la roue de ma valise abîmée. On leur dit pas merci.
J’attends le bus qui me dépose deux petites heures plus tard à Pernes-les-Fontaines. Un séminariste m’y attend et me ramène à Sainte-Garde. Je suis bien décalqué après plus de 36 heures sans vraiment dormir.
Sinon, bilan du mois d’avril : l’École biblique me demande de soutenir ma thèse en février prochain (2023), cela signifie que je devrais déposer courant novembre, pour laisser le temps aux membres du jury de prendre connaissance de mon travail. Je demande donc votre prière pour m’aider…
Étienne+